Photo en Une délivrée par l’athlète.
En 2019, Coraline Vitalis devenait Championne d’Europe en individuelle. Un titre qui lui a permis de mettre fin à douze années sans victoire française dans cette discipline. Et de succéder ainsi à une légende de son sport en la personne de Laura Flessel. Tout du long de cet entretien, l’escrimeuse française Coraline Vitalis nous amène à la découverte de son sport et de sa spécialité : l’épée. Une interview où Coraline Vitalis revient sur ses débuts, les moments forts de sa carrière et tout ce qui jalonne sa vie de sportive de haut niveau. L’occasion pour celle qui est également Championne d’Europe par équipe en 2017 et en 2018 de poser son regard sur l’INSEP. Et de présenter ses prochains grands objectifs avec, bien-sûr, le regard tourné vers les JO de Paris en 2024. Rencontre.
Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’escrime ?
J’ai commencé l’escrime à l’âge de huit ans.
Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce sport ?
J’ai commencé l’escrime tout à fait par hasard. J’ai découvert ce sport lors d’une journée portes ouvertes. Il y avait plusieurs sports, j’ai essayé l’escrime et j’ai de suite aimée.
Ce que j’ai bien aimé est le fait de me battre et de tirer avec d’autres personnes.
Votre spécialité c’est l’épée. Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste cette discipline ?
Alors, pour commencer, la base de l’escrime est de toucher l’adversaire sans se faire toucher. Et la particularité de l’épée, c’est qu’il n’y a pas de convention. C’est à dire que si les deux athlètes se touchent en même temps, c’est un point de gagné pour les deux.
A l’épée, on peut toucher son adversaire de la tête au pied.
L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?
J’ai toujours eu cet esprit de compétition, j’ai toujours eu envie de gagner. Mais je ne m’étais pas imaginé en commençant l’escrime faire des compétitions. Au début, c’était vraiment juste le plaisir de pratiquer ce sport. Mais c’est vrai que lorsque l’on m’a inscrite aux compétitions et que j’ai commencé à avoir des médailles, cela a amplifié chez moi l’envie de gagner.
A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour atteindre le haut niveau ?
C’est quand on m’a proposé d’intégrer le CREPS Antilles Guyane de Pointe-à-Pitre. J’étais très contente. Et je me suis dit « ah oui quand même, c’est déjà une étape ! ». En m’entraînant là-bas et en participant à des compétitions nationales et internationales, tout en étant en Guadeloupe, c’est vrai que dans ma tête j’avais envie de partir vers l’hexagone pour progresser encore plus et faire encore plus de compétition.
C’est vraiment mon entrée au pôle Antilles Guyane qui m’a donné l’envie et qui m’a laissé entrevoir le fait que je pouvais faire du haut niveau.

Un moment fondateur dans votre accession au haut niveau est, j’imagine, votre médaille de bronze en 2011 aux Championnats d’Europe cadets en Autriche. Quels souvenirs gardez-vous de ce moment ? Marquer les esprits très jeunes, vous montrer aux yeux de l’Europe, c’était un objectif affirmé pour vous ?
Je me souviens quand j’étais Minimes 2, mon entraîneur du pôle m’avait dit que c’était dommage d’avoir raté la sélection pour les championnats d’Europe cadets de très peu. A ce moment-là, quand j’étais en Minimes, je ne savais pas que les Championnats d’Europe Cadets existaient (Rires) !
Du coup, l’année d’après, en passant Cadette 1 et en effectuant les circuits Européens, j’avais alors en tête l’idée de me sélectionner pour les Europe. J’habitais encore en Guadeloupe. Et je me souviens lors de mon voyage de Pointe-à-Pitre vers Paris, puis de Paris en Autriche, j’étais vraiment impressionnée. Et j’avais hâte de tirer. Revenir de là-bas avec une médaille de bronze, c’était incroyable ! C’est là où je me suis dit que c’était pour ça que je faisais de l’escrime. J’avais envie d’en faire plus.
Comment arrive-t-on à gérer la pression d’une telle compétition, lorsque l’on est si jeune ? Comment, à seulement seize ans, se prépare-t-on à être confrontée aux meilleures tireuses européennes de sa catégorie d’âge ?
Je n’étais pas préparée (Rires) ! J’avais juste l’envie de bien faire, de tirer, de m’amuser. Mais je n’étais pas du tout préparée et je pense que c’était pas plus mal parce qu’au final, j’ai vraiment pris match après match. Je me souviens que c’était une compétition où j’ai gagné quasiment tous mes matchs à une touche 15-14 !
Je n’étais pas préparée mais j’avais juste super envie de tirer, super envie gagner. Et c’est ça qui m’a permis de ramener la médaille.
Rejoindre l’année suivante l’INSEP et le Pôle France a dû être un choix fort à prendre personnellement. Vous n’aviez que 17 ans à l’époque… Quand on décide de rejoindre une telle structure, a-t-on conscience sur le moment de tout ce que ça va demander comme engagement personnel ? Ou l’on découvre sur le tas qu’il y a beaucoup plus de choses qui entrent en compte dans la construction d’une carrière de haut niveau ?
Déjà, moi, je ne pensais pas que j’aurais pu intégrer l’INSEP aussi jeune. Moi, à ce moment-là, je voulais absolument rentrer au Pôle jeunes de Bordeaux. Mais pour mes parents, c’était négatif (Rires). Ils m’ont dit : « écoute Coraline, tu es encore jeune, tu passes ton bac en Guadeloupe d’abord et une fois que tu auras ton bac, tu partiras dans l’Hexagone. » J’ai tout fait pour essayer de les convaincre de me laisser aller au pôle de Bordeaux. Et puis ensuite j’ai reçu un appel de l’entraîneur de l’époque de l’INSEP qui m’a proposé de faire de monter un dossier pour proposer ma candidature pour l’INSEP. Bon, je l’ai fait sans vraiment y croire (rires). Et comme mes parents ne voulaient pas que je parte avant d’avoir le Bac… Mais quand ma candidature a été acceptée, mes parents, qui ne voulaient pas Bordeaux, m’ont dit que là c’est l’INSEP, ça ne se refuse pas (rires) ! C’est là où j’ai réalisé que ma vie allait changer. J’allais partir de chez moi, partir loin dans la famille, je n’étais pas encore majeur… C’est vraiment là que j’ai pris conscience que ça allait changer dans ma vie.
Mais finalement, je me suis entraînée pendant trois ans – je suis restée quatre ans au Pôle mais les trois dernières années au Pôle j’étais avec le maître Patrice Carrière et on s’entraînait assez dur. On s’entraînait pas mal, on avait pas mal d’assauts avec beaucoup de physique. Et quand je suis arrivée à l’INSEP, l’intensité n’était pas la même, elle était beaucoup plus élevée. Mais je n’ai pas ressenti un énorme changement.
Je m’étais faite toute une montagne de l’INSEP mais au final j’étais rassurée, j’ai vu que j’avais ma place et que ça se passait bien.
Quel regard portez-vous sur l’INSEP ? Quelle évolution vous a apporté cette structure depuis maintenant dix ans sur votre préparation et votre jeu en compétition ?
Déjà, je pense que ce que l’INSEP m’a le plus apporté ce sont les oppositions. D’avoir pu rentrer très jeune à l’INSEP et d’être confrontée à des filles qui ont fait des coupes du monde senior depuis des années et des années, qui ont fait des championnats. L’opposition, je pense que c’est vraiment un des points forts de l’INSEP. Et puis c’est également toute la structure. Tout le matériel qui est à disposition pour pouvoir être à fond dans les entraînements. C’est un plus. Et il n’y a pas à réfléchir en fait, il y a qu’à faire (Rires) !
Quels sont vos principales qualités en tant qu’épéiste ?
Physiquement, je suis assez puissante et très offensive. Être offensive c’est une bonne qualité qui peut être aussi un défaut (rires).
Et au niveau du caractère, je suis persévérante et déterminée. Je ne lâche pas. Même si c’est un match difficile, tant que l’adversaire n’est pas à 15, je ne lâche rien.

Votre palmarès parle pour vous. Championne de France en individuelle en 2016. Médaillée d’or par équipe lors des championnats d’Europe de 2017, 2018 et 2019. 2019 justement. Année où vous devenez également Championne d’Europe en individuelle. Douze ans après le sacre de Laura Flessel. Tout d’abord quel souvenir gardez-vous de ce titre ?
Je me souviens que cette journée avait très mal commencé (rires) ! Il y avait soixante-quatre qualifiées pour le tableau et moi j’étais soixante-troisième. J’avais fait de très mauvaises poules. La veille, je discutais avec mes proches je leur disais mon envie de faire une médaille, que j’avais l’envie. Et puis trop d’envies, trop de pression, les poules ont été catastrophiques, chaotiques. Je pensais être éliminée et lorsque j’ai vu que je n’étais pas éliminée j’étais contente. Je me suis dit qu’à ce moment-là, c’était une nouvelle compétition qui commençait.
J’ai eu des gros tableaux parce que j’étais très mal classée après les poules. Mais ce que je retiens, c’est qu’effectivement, tant qu’on n’est pas éliminée, tout est possible. Il faut toujours y croire. Je me suis entraînée pour réussir.
Ça a été une super journée. En plus, j’ai gagné contre une française, on signe un doublé, ce qui n’était pas encore arrivé. C’était vraiment une journée magique à l’arrivée.
Mettre fin à ces douze années sans victoire française, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
D’avoir pu mettre fin à douze années sans victoire française, c’est cool (rires) ! J’espère pouvoir ramener d’autres titres, j’espère aussi surtout pouvoir ramener une médaille en championnat du monde. Car pour l’instant, je ne l’ai pas encore fait.
Et je voudrai aussi ramener d’autres titres aux championnats d’Europe, ou qu’une autre fille du groupe y arrive aussi.
Ce serait top de ne pas rester douze ans encore sans ramener de titres (rires) ! Mais surtout j’espère pouvoir ramener une médaille mondiale.
Que représente pour vous Laura Flessel ? En quoi vous inspire-t-elle ?
Déjà, ce qui m’inspire chez Laura, c’est le fait que comme moi elle soit Guadeloupéenne. Qu’elle ait commencé en Guadeloupe.
Et puis elle a un tel parcours, une longévité incroyable. Elle est restée au sommet pendant très longtemps. Et on ne peut qu’admirer cette longévité.
Et je pense que tout escrimeur, fille comme garçon, peut s’inspirer de sa rage de vaincre, de son envie, de sa forte détermination.
A ce niveau-là, on peut tous s’en inspirer.
Cette année, vous étiez la seule épéiste française aux Jeux Olympiques de Tokyo. Comment avez-vous vécu vos premiers Jeux Olympiques ?
Pas top parce que je pense que je n’avais pas vraiment réalisé ce que ça allait être. Je n’avais pas vraiment réalisé, avant d’y être, la pression, ce que c’était d’être la seule représentante de l’épée dames. C’est vrai, lorsque le jour de la compétition j’ai réalisé ça juste avant le match, je n’ai pas très bien géré.
Mais maintenant je me dis que c’est bon, j’ai vu ce que c’était, j’ai vu la pression que c’était et que l’on ne m’y reprendrait pas à deux fois.
Et puis surtout je pense que là, on a on a un super groupe à l’épée dames. C’est vrai qu’on était un peu en construction, on a un groupe jeune. Mais on a un super groupe à l’épée dames. Avec plein de filles qui font des résultats. Là, on a on a Hervé Faget qui est arrivé en tant qu’entraîneur national. Il est top. Il est déterminé et motivé.
Et je me dis que, dans tous les cas, déjà j’espère être à Paris en 2024 mais en plus, si j’y suis, je ne serai pas seule. Je reste persuadée que l’on va se qualifier en équipe et que les Jeux de Paris seront différents.
Quel est vos prochain grand objectif ? Les JO de Paris, en 2024 ?
A long terme oui ce sont les Jeux de Paris en 2024. Sinon, comme on a la chance d’avoir à l’escrime les Championnats d’Europe et les Championnat du Monde chaque année, à court terme mon objectif est de pouvoir participer aux Championnats d’Europe et du monde en 2022 et 2023.
Et de ramener des médailles.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR.