Photo en Une de : Laurence Masson
Mardi 8 mai, Pascal Pich a battu le record du monde en parcourant 3165 kilomètres sur un vélo fixe. Un défi qu’il a terminé en six jours. Dans ce long entretien, Pascal Pich (neuf records du monde ultra triathlon entre autres), revient sur cette magnifique aventure. Dans cette longue interview, on évoque également le Tour de France, la légion étrangère ainsi que le prochain défi qu’il a en tête. Rencontre avec ce sportif hors du commun.
Tout d’abord, félicitations pour votre record du Monde obtenu hier ( mardi 8 mai). Vous avez pédalé 3165 km en six jours seulement ! Qu’avez-vous ressenti une fois ce défi terminé ?
De la fierté déjà, parce que quand on se fixe un objectif, l’idée c’est d’y arriver. Donc quand ça marche, on est relativement fier de ce qu’on a fait. C’est vrai que ça peut paraître prétentieux entre guillemets, mais quand on a l’habitude de faire ce genre de truc, on ressent beaucoup moins de choses que quand c’est la première fois.
Vous avez réalisé ce record du monde sur un vélo d’appartement. Avec la particularité que ce vélo est à pignon fixe. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela ajoute une difficulté supplémentaire à cette épreuve ?
Alors, « vélo d’appartement » c’est vraiment schématisé. Là, c’est vraiment un vélo de compétition qu’on pose sur des rouleaux. Alors qu’est-ce qui fait la différence ? Sur un vélo normal, un vélo de cyclisme normal, on a deux plateaux à l’avant et derrière une roue libre avec onze pignons. Et l’avantage quand on pédale sur des rouleaux comme ça, c’est qu’on peut à un moment, si on a mal aux cuisses etc, on peut être en roue libre. Puisque bon, si on est sur des rouleaux, le frottement ralenti vite la roue. La différence sur un pignon fixe, c’est que le braquet est unique. C’est-à-dire que pour moi c’était 55 à l’avant et 16 à l’arrière. Donc le braquet est unique, et on ne peut surtout pas s’arrêter de pédaler ! Si on s’arrête de pédaler, la roue se bloque. Il n’y a pas de phase de repos sans un arrêt complet.
Quels ont été les moments les plus durs que vous avez rencontrés durant ce défi ?
Ce n’est pas facile à définir vu qu’il y en a eu plusieurs. Mais je vais dire la fatigue, bien sûr, qui plus le temps passe, revient de plus en plus souvent. C’est-à-dire que c’est par cycle en fait. Donc quand on lutte contre le sommeil, quand on arrive à passer un cycle, il va revenir un peu plus tard. Et plus les jours vont passer, plus il va revenir souvent. C’est ce qui est le plus dur à gérer.
Et la galère aussi c’est que la position sur le vélo n’était pas idéale. Parce que je ne l’avais eu que quelques jours avant le départ. Je n’ai pas vraiment eu le temps de rouler dessus, et j’avais une très mauvaise position. En fait, tout le poids de mon corps était sur l’avant et reposait juste sur mes mains. Aujourd’hui par exemple, quand on se parle, je ne sens pas mes trois premiers doigts. Le pouce, l’index et le majeur. J’ai des fourmis dedans, je ne les sens pas. Parce que l’appui sur la paume de la main bloque le nerf radial et l’irrigation ne se fait pas correctement.

Combien de kilomètres avez-vous parcourus chaque jour sur ce vélo fixe ? Cela représente combien d’heures environ passées sur votre vélo par jour ?
Le premier jour, un peu plus de huit cents. Le deuxième jour, environ sept cents. Et après, je faisais entre quatre-cent-cinquante et six-cents par jours. Cela représente pour les deux premiers jours, facilement dix-neuf heures sur le vélo. Et après, plutôt seize, dix-sept pour les plus mauvais jours.
Où puisez-vous cette motivation pour pédaler autant de kilomètres par jour, qui plus est sur un vélo fixe ? Quelle est votre source de motivation ?
La motivation c’est celle qu’on se donne lorsqu’on se donne l’objectif. On se dit voilà, je vais réaliser cet objectif. Après dans la préparation on acquiert de la motivation. Et puis quand on est potentiellement entre guillemet un champion, l’idée c’est de ne pas abandonner. Donc la motivation c’est celle-là. C’est aller au bout de soi-même, jamais abandonner, jamais baisser les bras. Même quand c’est dur. La motivation c’est ça. C’est aller au bout du challenge.

Quel était votre stratégie de départ ? Commencer fort les premiers jours et emmagasiner un maximum de kilomètres ou plutôt commencer doucement ?
C’est commencer fort oui et puis si possible finir fort. Hier (mardi 8 mai) par exemple, à une heure et demie de la fin, je me suis posé cinq minutes pour enregistrer les données de ma montre. Parce qu’en fait, tout était enregistré sur ma montre. Donc je les ai mises sur l’ordinateur pour savoir exactement où on en était. Et à ce moment-là on s’est aperçu que si je roulais à plus de quarante à l’heure pendant la dernière heure, je pouvais au passage battre mon record sur vélo traditionnel aussi. Et on s’est dit allez, je fais un challenge dans le challenge et j’essaye de rouler dans la dernière heure et demie à bloc pour faire péter les deux records en même temps. Ce que j’ai fait. J’ai roulé à quarante-huit de moyenne sur une heure et demie. Je suis parti fort et j’ai fini fort.
Comment vous préparez-vous mentalement pour ce défi ?
Il n’y a pas particulièrement de préparation mentale. Je crois que sur ce genre d’épreuve, le mental soit on l’a, soit on l’a pas. Moi je pense que je l’ai. Et après, dans la préparation, c’est surtout de faire des kilomètres par exemple dans le garage, tout seul, pendant des heures. S’isoler pour travailler le mental. Et puis après, c’est se mettre la pression un peu tout seul pour avoir envie d’essayer d’aller au bout.
Depuis combien de temps vous entraîniez-vous pour réussir ce type de défi ?
J’avais fait un peu un break en fin d’année dernière. J’ai recommencé sérieusement au premier janvier. Et pour donner un exemple, l’année dernière je suis arrivé sur la tentative avec 3500 kilomètres d’entrainements. Et cette année, je suis arrivé avec 7000. Donc c’était une préparation complètement différente.
Durant cette épreuve, plusieurs personnalités vous ont soutenu. Cela vous touche-t-il ?
Oui, ça fait toujours plaisirs. Alors quand ceux qu’on connait par exemple Gilles Verdez tout ça, c’est des gens que je connais. Quand ils viennent, ça fait plaisir parce qu’on sait que c’est quelqu’un qu’on connait. Quand c’est des gens qu’on ne connait pas, par exemple Tonya Kinzinger que je connaissais pas et qui est venu, a fait un super tweet après. Rolland Courbis est venu. On avait parlé au téléphone mais on ne se connaissait pas physiquement. Il est venu, il a tweeté aussi un super truc après. Et ça, ça fait plaisir. Parce qu’on se dit que quelque part, on est enfin reconnu à sa juste valeur. Moi je fais du sport à haut niveau depuis des années, et comme ce n’est pas un sport hyper médiatique, on n’est pas reconnu à la hauteur de la performance. Et quand ces gens-là se déplacent finalement ce n’est pas juste pour le plaisir de se déplacer. C’est parce que quelque part, ça les touche et ils reconnaissent vos compétences et votre niveau.
Vous êtes également un triathlète. Quand avez-vous fait votre premier triathlon ? En quoi consiste un triathlon ? Quels sont les différentes épreuves ?
Oui, je suis triathlète au départ. J’ai fait mon premier triathlon en 1987. Le triathlon, c’est de la natation, du vélo et de la course à pied. Et en 1990, j’ai choisi de pendre l’option Ultra, pour pousser la plaisanterie à l’extrême. Et donc en 1990, je bats mon premier record du monde, en nageant dix heures, en enchaînant avec dix heures de vélo et en enchaînant avec dix heures de course à pied. Ça c’était mon premier record du monde. Et depuis, j’ai fait des trucs de plus en plus dingues.
Vous vous êtes également engagé dans la légion étrangère. Pourquoi ce choix ?
Alors, pourquoi ce choix ? Déjà, parce que mon grand-père était légionnaire. Donc c’est déjà un bon choix. Tout le monde connait la légion parce que c’est l’élite de l’armée française. Il n’y a pas à discuter. Ensuite, moi j’étais parachutiste. J’ai fait une mission au Liban en 1983-84, j’ai été blessé là-bas. Et j’ai toujours été très très admiratif de la légion. Et en fait, quand j’ai décidé de rejoindre la réserve, puisque je suis réserviste à la légion, j’ai pas pris deux options. C’était la légion ou rien du tout. Et donc j’ai intégré les rangs de la légion avec qui je partage les mêmes valeurs. Puisque pour eux c’est entraide, cohésion, dépassement de soi etc. Donc c’était complétement dans les valeurs que je véhicule à travers le sport.
A quel groupement êtes-vous rattaché ?
Je suis rattaché au groupement de recrutement de la légion étrangère (GRLE) qui a son siège au fort de Nogent à Fontenay-sous-Bois.
Quelle est votre mission au sein de ce groupement ?
Mes missions sont surtout sportives. C’est-à-dire qu’on m’utilise pour donner une image de la légion qui fasse moins peur de celle que souvent les gens ont. Et puis surtout qui présente la légion comme une unité sportive.
Bientôt se profile le Tour de France. Suivez-vous le Tour De France ? Avez-vous un favori pour cette année ?
Je suis complétement le Tour de France. C’est une passion. Mon favori cette année je verrai bien Romain Bardet, un français. Après, un mec comme Julian Alaphilippe qui est plutôt pas mal mais qui est plutôt coureur de classique. Donc ça peut être compliqué. Peter Sagan bien sur parce que c’est un phénomène. Mais pareil, une fois encore, sur une course de trois semaines, il lui manque encore à progresser sur les contre la montre. Mais je pense que Romain Bardet est un bon client. Il a fait troisième, il a fait deuxième. C’est un mec qui est bosseur, qui est gentil, qui est correct. Donc je lui souhaite de réussir dans cette optique.
Que pensez-vous des soupçons de dopage qui planent sur Christopher Froome en ce moment ?
On peut être suspicieux de tout et de n’importe quoi. Tant qu’il n’a pas été prouvé qu’il s’est dopé, il ne l’est pas. Il y aussi la présomption d’innocence qui fait qu’on peut lui donner le bénéfice du doute. Oui on peut être suspicieux. Mais si on est suspicieux de tout, on avance plus. C’est toujours compliqué. Mais je pense que quoi qu’il en soit, s’il n’est pas propre, à un moment ça sortira. Il n’y a pas de raison que ça ne sorte pas.
Quel sportif vous sert de modèle aujourd’hui ?
Alors moi à l’époque mes modèles c’étaient Bernard Hinault et Greg Lemond. Aujourd’hui, je suis admiratif d’un gars comme Martin Fourcade. Qui est un gros bosseur. Qui est un super athlète. Qui est super sympa, super abordable. Un mec comme Teddy Riner qui dure. Parce que moi mon sport d’origine c’est le judo. Donc voilà, je reste admiratif d’un gars comme Teddy. Les coureurs à pied : Mohamed Farah. Et je suis surtout admiratif des gamins que moi j’entraîne, qui ne sont pas encore connu, et qui j’espère le seront bientôt. Parce que c’est la génération à venir. Et je sais que le travail paye et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les amener au plus haut niveau.
Enfin, quel est votre prochain défi à présent ?
Alors, mon prochain défi, qui est un peu compliqué à monter, parce qu’il faut du budget, c’est de réaliser six fois un déca Iron man sur une année. Donc une fois tous les deux mois. Personne n’en a jamais fait plus de deux dans une année. Je suis convaincu que je peux en réaliser six. Je monte le projet. Je commence à avoir un vrai intérêt des partenaires. Là je pense que La Foire de Paris a encore donné une visibilité supplémentaire. On croise les doigts et puis j’espère que ça pourra démarrer pour début d’année 2019.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR