Nouria Newman n’est jamais avare de sensations fortes. Vice-championne du monde de canoë-kayak en 2013, elle pratique également le kayak extrême. Une discipline dont elle est devenue championne du monde. Dans ce long entretien, Nouria Newman nous fait partir à la découverte de sa discipline. Une interview dans laquelle elle évoque aussi entres autres, ses débuts, les dangers, ainsi que les exigences que demande ce sport. Rencontre.
En 2013, vous devenez vice-championne du monde de canoë-kayak en slalom. Pouvez-vous nous présenter votre discipline ?
Le slalom c’est vraiment la discipline traditionnelle par excellence lorsqu’on commence le kayak en eau vive en France. C’est la discipline en général qu’on commence dans les clubs qui sont affiliés à la fédération française de canoë-kayak. Et cela consiste à descendre un parcours de slalom le plus vite possible en passant des portes qui sont soit rouges (qu’il faut remonter) soit vertes (qu’il faut descendre), sans les rater ou sans les toucher. Sinon, c’est cinquante secondes de pénalité si on les rate, et deux secondes si on les touche.
Quelles sont les exigences que demande cette discipline ?
C’est une discipline qui demande beaucoup de précision, beaucoup de technique. En fait on évolue constamment sur de l’eau vive, donc sur un terrain qui est en mouvement. Donc il faut savoir tout faire et en même temps, il faut savoir s’adapter puisque les mouvements d’eau changent. Et pour ça, le slalom c’est à la fois technique, il y a le physique qui compte. Sur une durée de course de deux minutes, il faut vraiment être explosif. Il faut pouvoir supporter les charges de lactique, du coup on s’entraine vraiment aussi physiquement pour supporter l’effort qui est bref et très intense. Et aussi, de manière plus générale, sur la préparation physique, l’endurance, pour pouvoir supporter les charges d’entraînements qui sont parfois assez exigeantes. Et après il y a tout un aspect mental. Vu qu’on est constamment obligé de s’adapter, il faut aussi être capable d’être vraiment dans l’instant présent, d’où l’importance de la préparation mentale.
Quels sont les différents types d’embarcations qui sont autorisées lors des compétitions ?
En slalom, il y a différents types d’embarcations qui sont autorisées sur les compétitions. Aujourd’hui cela se résume au kayak monoplace homme et dame, canoë monoplace homme et dame et avant on avait le canoë biplace homme qui a été enlevé du programme olympique et du programme de la fédération internationale de kayak pour faire rentrer la parité. Alors on va peut-être faire rentrer le canoë biplace mixte (un homme, une femme). Alors la parité c’est très bien, par contre c’est vrai que c’est très dur de voir les copains qui se sont entrainés pendant des années et des années, qui sont des athlètes méritants, des piliers un peu de l’Équipe de France de kayak, qui se font un peu jeter dehors, sans vraiment avoir d’autres choix. Et du coup on a une grosse pensée pour les canoës biplace qui sont doucement, mais sûrement en train de disparaître. En tout cas pour les équipages hommes. Et on espère que le canoë biplace en mixte va rerentrer dans le programme. Mais après, c’est toujours un peu compliqué avec les décisions politiques et aussi les quotas olympiques.
A quel âge avez-vous commencé le canoë-kayak ?
Alors moi j’ai eu la chance de pouvoir commencer le kayak à l’âge de cinq ans, dans le club local en fait. Le fils d’un entraîneur avait un an de plus que moi. Et donc du coup on était un bon groupe de très très jeunes à commencer. Et c’est vrai que c’était vraiment fun. En fait j’ai des copains de mon père qui faisait du kayak. Ils sont venus à la maison avec les bateaux sur le toit de leur voiture. Et j’ai dit à mes parents que je voulais faire ça. Sans même savoir ce que c’était. Ça avait juste l’air d’être des gros jouets, et un sport qui me donnait envie. Mes parents ont dit non parce que je ne savais pas nager. Du coup, j’ai pris des cours de natation tout l’été. Et je suis revenu à la maison avec un certificat qui disait que je savais nager. Et du coup ils ont été obligés de me conduire au club de kayak et de m’inscrire. Et pour eux c’était vraiment le début d’une grosse galère (rire).
Vous avez également été championne du monde de kayak extrême à Otzal en Autriche lors de l’Adidas Sickline Extreme Kayak World Championship en 2013. Pouvez-vous nous expliquer comment se déroule cette compétition ? Dans cette compétition, vous vous êtes retrouvée au milieu de champions du monde de la discipline. Cela vous a-t-il impressionnée ? Et qu’avez-vous ressenti une fois le titre de championne du monde acquis ?
Alors la Sickline c’est un peu particulier. C’est vrai que c’est le championnat du monde du kayak extrême. Moi j’étais vraiment contente de le gagner. D’autant plus contente que l’année d’avant j‘avais eu des très bonnes manches et puis je n’avais pas réussi à pagayer très très bien en finale. Et du coup j’étais restée un peu sur mes fins, avec la frustration. Dans mon dernier run de finale où j’avais vraiment eu de belles manches et tout gagné avant. Et en finale, j’avais touché quelques rochers, ça m’avait beaucoup ralenti. Finalement j’avais terminé deuxième derrière l’anglaise Sandra Hyslop qui est vraiment très rapide. Et du coup de prendre un peu ma revanche et de remporter la course c’était vraiment quelque chose auquel je tenais. Après, ce titre de championne du monde, je ne sais pas si concrètement il m’a beaucoup apporté. Sportivement, sur le plan personnel, j’étais vraiment contente d’avoir des bons chronos, de me rapprocher des garçons. De voir là où je perds du temps, de savoir que je peux peut-être encore essayer d’aller un peu plus vite et de progresser sur certains points.
Après, sur ma construction en tant que pagayeuse, je dirai que ce n’est pas forcément l’événement ou la compétition qui m’a le plus marquée. Je pense que j’ai beaucoup plus de satisfaction à ma première année à la North Fork quand je fais huitième avec les garçons. C’est vraiment une course pour le coup qui est extrême. Où j’ai vraiment très très peur au départ. Où c’est dur de ne pas avoir peur parce que les conséquences sont bien plus grandes qu’à la Sickline. Après l’autre course qui m’a vraiment lancé dans ma carrière si on peut appeler ça comme ça, en kayak extrême, c’est le White Water Grand Prix. C’est une compétition de deux semaines au Chili avec cinq étapes. Et je pense qu’il n’y a pas une seule épreuve où je n’étais pas morte de trouille avant de me lancer. Sachant que les trois premières épreuves étaient vraiment vraiment très difficiles. Il y avait eu beaucoup d’échecs et j’avais réussi à gagner le classement général. Et je pense que c’est une des expériences qui m’a le plus aidé, en tout cas en compétition. Après je pense que le kayak extrême ne se résume pas justement qu’aux compétitions. C’est un peu comme en ski. Il y a des compétitions mais il y aussi aller chercher une grosse chute, un gros rapide. Et donc je me suis aussi construite au fil des plus gros rapides que j’ai descendus, des expéditions, des réussites et aussi au fil des échecs. Parce qu’à chaque fois qu’on prend une mauvaise décision, qu’on vit quelque chose de pas forcément facile sur la rivière avec des crashs, des situations d’urgences, un peu de sécurité, c’est finalement peut être là qu’on apprend le plus. Et sans doute beaucoup plus que quand tout se passe bien sur une compétition.
Quand avez-vous débuté dans cette discipline ? Et en quoi le kayak extrême consiste ?
C’est vraiment difficile de répondre à la question : quand-est-ce que j’ai débuté le kayak extrême. Parce que je n’ai jamais vraiment débuté le kayak extrême. J’étais en club, en vallée de la tarentaise, où il y a la partie compétition. Et il y a toujours eu cette partie aussi descente de rivière et faire du kayak de descente de rivière. Et ce qui en soit, au début, c’est pas du tout extrême. C’est vraiment juste descendre une section de rivière dans un bateau en plastique et pas en carbone. Avec lequel du coup on peut sauter sur des roches sans le casser, sans trop de stress. Et de fil en aiguille, j’ai commencé à descendre des rapides de plus en plus durs. De rejoindre le groupe des copains de mon père où j’avais pas vraiment le droit de descendre les rapides durs de toute façon puisque j’étais mineure et que j’étais toute petite. Donc du coup je faisais les rapides faciles donc ça n’avait rien d’extrême. Par contre c’est très formateur puisqu’ils m’ont enseigné toutes les techniques de sécurité. J’étais tout le temps en plongeur encordé. C’est-à-dire qu’on m’attachait au bout d’une corde. Il y avait un adulte, en général un gars assez costaud qui tenait la corde, et si quelqu’un se ratait dans la rivière, c’est moi qui lui sautait dessus, qui m’agrippait à lui. Un peu comme un grappin à une main. Et qui le ramenait au bord avec l’aide de mon équipier qui tirait la corde. Donc j’ai commencé assez jeune à faire du bateau plastique, vers l’âge de neuf ans j’ai vraiment commencé à faire du kayak de rivière. Après, l’extrême c’est venu vraiment doucement.
De cette volonté de progresser, de vouloir descendre des rapides un peu plus compliqués mais c’est vrai que c’est difficile de définir à partir de quel moment c’est extrême ou pas. Pareil, la définition de la discipline est très complexe. Puisqu’il y a des compétitions où là c’est vraiment descendre d’un point A à un point B sur une section rivière difficile, le plus rapidement possible. Et il y a aussi descendre des grosses chutes, des gros rapides, en prenant notre temps, en posant une sécurité. Donc ça n’a rien à voir. Faire des expéditions, de plusieurs jours ou complétement en autonomie. Pareil, sur des sections de rivière plus ou moins difficiles. Donc c’est une discipline qui est finalement très large. Et définir ce qui est extrême ou pas, c’est souvent un peu complexe.
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de vous lancer dans le kayak extrême ?
Je ne me suis pas lancé dans le kayak extrême, c’est pas quelque chose qui se fait. En général on commence par faire du kayak et de fil en aiguille on complexifie notre pratique et ça devient plus ou moins extrême. Après ce qui me plait vraiment dans la pratique du kayak de rivière, ça peut être sur du classe un, deux, trois. Des sections de rivière relativement facile jusqu’à des sections de rivière difficiles. Ce que j’aime c’est voyager et aller dans des endroits un peu magiques. Où il y a très peu de monde qui a la chance d’y aller. Et de partager ces lieux insolites, des moments privilégiés, avec les personnes avec qui je vais sur la rivière. Puisque même si c’est un sport individuel, en fait on est presque tout le temps en groupe.
Et pour descendre une rivière, souvent il faut une bonne cohésion de groupe, une très bonne dynamique. Et après forcément il y a la partie de challenge et l’adrénaline qui sont aussi quelque chose de très motivant. Et qui nous pousse aussi à aller descendre des rapides et des sections de rivières difficiles, où il n’y pas toujours que des bons moments. Quand on part explorer des rivières, et puis qu’on finit à faire des heures et des heures de marche en forêt, en montée. Souvent c’est un peu ingrat. Après, comme la plupart des sports, on montre plus le coté glamour, le fun, le beau rapide. Mais il y a toutes les marches d’approches. Quand on est obligé de sortir parce qu’on ne peut plus franchir la rivière. Ça souvent c’est assez ingrat. Mais ça vaut toujours la peine. Et puis en général, la plus grosse galère c’est toujours les meilleures histoires. C’est toujours là où il nous arrive quand même des moments un peu inattendus et où finalement on ressort de là avec des beaux souvenirs alors que ce n’était vraiment pas évident.
Quelles sont les qualités requises pour pratiquer cette discipline ?
Les qualités requises en kayak extrême, elles sont assez similaires à celles du slalom. Il faut être bon techniquement. Plus on a un registre technique qui est riche, plus c’est facile de descendre des rapides. Puisqu’on est capable de mieux s’adapter. Après il faut une très bonne vision de la rivière, donc tout ce qui est analyse. Mais c’est la même chose en slalom. Des bonnes qualités physiques qui changent un peu. Puisqu’en slalom on est sur un effort court. En kayak extrême on ne sait jamais trop. Sur les compétitions ça peut varier d’une minute à quasiment une heure ou voir plus sur des compétitions d’endurance. Et après sur des expéditions d’exploration, en fonction du type de descente qu’on va faire, on ne va pas forcément avoir les mêmes besoins. Par exemple sur des expéditions en Californie où il y a des journées entières de marche, avec le kayak sur le dos. Donc un kayak, ça fait vingt-deux, vingt-trois kilos. Avec tout le matériel pour plusieurs jours, on arrive assez régulièrement à trente-cinq, quarante kilos. Et quand il faut marcher toute la journée avec ça, la qualité physique c’est souvent de l’endurance longue.
Sur la navigation pure, ce sont des mouvements différents mais il faut être puissant, il faut être explosif, il faut de l’endurance, il faut pouvoir continuer dans l’effort, même quand on manque un peu d’oxygène quand on prend pas mal d’eau dans la figure.
Le mental aussi. Les mouvements d’eau sont plus gros qu’en slalom, il faut aussi gérer le risque. Le risque en slalom il est là. C’est le risque d’échouer. Le risque en kayak extrême est souvent beaucoup plus concret. C’est-à-dire que les conséquences ce n’est pas juste « je vais rater une course et puis je serai triste ». Ça peut aller de la blessure jusqu’à la noyade ou casser son matériel. Tout peut arriver et en rivière, ce qui est indiscutable, c’est être bon en sécurité.
Maitriser les techniques de sécurité, savoir se servir d’une corde, les systèmes de gonflage. Il faut aussi être bon pour marcher, avoir des fondamentaux en escalade. Et je dirai, une qualité essentielle en kayak extrême, qui est peut-être moins importante en slalom, c’est vraiment d’avoir une bonne vision du couple. C’est-à-dire d’être capable de naviguer pour soi tout en ayant conscience du groupe dans lequel on se trouve. Et de penser aux autres avant soi-même assez régulièrement quand on n’est pas dans un groupe homogène.
Quel est le matériel nécessaire à embarquer lorsque l’on pratique le kayak extrême ?
Le matériel nécessaire en kayak extrême varie un peu en fonction des lieus de pratique en fonction des gens. Je dirais que le matériel classique c’est un kayak, une pagaie. Et après ça reste vraiment du matériel de sécurité. Donc avoir un très bon casque pour ne pas avoir de traumatisme crânien ou en tout cas limiter au maximum les risques de traumatisme crânien grave. Un gilet de sauvetage qui flotte. Mais à ce gilet il faut avoir un point d’encrage pour pouvoir justement se mettre en plongeur encordé ou s’il y a un peu des manipulations de sécurité à faire. Dans notre gilet, vu qu’on se sert pas mal de cordes, on a forcément un couteau, c’est obligatoire. Après on a une jupette, pour ne pas que l’eau rentre. Il vaut mieux avoir une très bonne jupette et investir un peu là-dedans, parce que si on a une mauvaise jupette, en fait elle peut sauter. Et du coup ça veut dire qu’on commence à couler et en fonction du rapide dans lequel on se trouve au moment où on commence à couler, ça peut avoir des conséquences assez graves. Il y a des endroits où il ne faut pas nager. Des bonnes chaussures, c’est super important. A chaque fois qu’on descend des sections difficiles, ou des gros rapides, on va repérer au bord, pour mettre en place des sécurités et c’est bien d’avoir des chaussures qui tiennent bien le pied avec un bon grip. Déjà pour être efficace et en plus pour éviter de se blesser sur les portages ou sur les repérages.
En plus de ça, dans le bateau toujours une corde de sécurité pour pouvoir lancer aux copains pour pouvoir sortir d’un canyon, on s’en sert pour tout, c’est vraiment indispensable. Avec cette corde de sécurité, on a un petit peu de matos d’escalade, de quoi faire un gonflage. Moi j’ai un descendeur, j’ai des bloqueurs, j’ai une mini tractions, des poulies. J’ai des sangles. Donc une longue sangle autour de ma taille, une sangle plus courte dans mon gilet, quelques mousquetons. Après, depuis un an et demi, j’ai un protège dents. Quand je fais des gros rapides je le mets. Ma dentiste a vraiment été top pour m’aider à faire un bon protège dent sur mesure. Sur les grosses expéditions, j’ai aussi une balise GPS qui permet d’avoir les cartes à disposition. Et puis aussi d’avoir de quoi appeler les secours si jamais il y a besoin. En fonction des rivières, j’ai une petite scie dans mon bateau pour pouvoir couper un arbre. De quoi s’équiper bien chaudement. Et en plus de s’équiper bien chaudement, avoir un peu à manger. Dans le groupe, il y a toujours une personne qui a une pagaie démontable qu’on stocke à l’arrière du kayak. Comme ça s’il y en a un qui casse sa pagaie, on est capable de finir la descente avec une pagaie puisqu’on est pas toujours dans des endroits où on peut sortir à pied. Et il y toujours une personne ou deux dans le groupe qui ont des trousses de secours avec les fondamentaux. J’ai aussi une couverture de survie soit dans ma poche de combi étanche soit scotché à la cheville, soit dans mon gilet. Et c’est à peu près tout pour le matériel de sécurité. On a aussi des patchs si nos kayaks se craquent pour pouvoir les réparer. En fait ce sont des gaines d’isolation de toit de maison, et ça permet à ce que l’eau ne rentre pas dans le bateau au moins jusqu’à ce qu’on finisse notre descente. C’est tout, c’est déjà pas mal. C’est beaucoup de matos, quand on a tout ça plus toute la nourriture pour quelques jours, plus un matelas, un duvet. Et en général, on prend toujours une bâche pour rester au sec si jamais il pleut fort, et ça fait vite lourd.
Quels sont vos principaux concurrents dans cette discipline ?
Je dirai que le terme est mal choisi. Puisqu’en fait on travail vraiment ensemble, on n’a pas vraiment de concurrents. On a des partenaires. Et c’est avant tout une discipline où la compétition je dirai vient dans un second temps. Parce qu’en fait l’objectif, c’est que tout le monde descende la rivière sans encombre. Quand tu es en bas du parcours, tu espères que tous les autres vont réussir parce que tu n’as vraiment pas envie d’aller les chercher casser, ou qu’ils se fassent mal. Moi j’ai des gens avec qui j’aime vraiment beaucoup naviguer. Et ils comptent beaucoup puisque ce sont des gens en qui j’ai une confiance absolue. C’est-à-dire que quand eux ils sont sur le bord avec leur corde pour m’assurer la sécurité, je sais qu’ils font tout pour me sortir de l’eau si jamais il y a un problème. Et le terme concurrent, oui sur des courses, il y a des filles qui vont vite. Je pense à Sandra Hyslop qui est vraiment forte. Je pense à Martina Wegman, Nikki Whitehead. Il y a vraiment du monde contre qui je fais les courses. Mais oui, le terme est mal choisi.
Enfin, lorsque vous sautez une cascade de plus de vingt mètres de haut, quelles sont les sensations que vous ressentez à ce moment-là ?
Alors, c’est vraiment difficile de décrire les sensations d’une chute de vingt-mètres ou plus… je dirai que souvent on a l’idée de juste la descente brute. Pour moi la chute commence à partir du moment où je vais aller la repérer. C’est-à-dire le moment où je vais la repérer je vais me dire : ok, peut-être que je veux faire ça. Je vais la repérer, il y a toute l’analyse. Si je décide de la faire, là je vais commencer à avoir quand même un stress. A gérer la ligne, savoir ok si je fais ça ça va pas le faire etc. Donc analyser les choses à faire mais aussi les risques potentiels et les dangers potentiels de la chute. Et seulement après avoir analysé ça, minimiser ces risques, donc en posant des sécurités, on va descendre la chute. Il y a donc toute une préparation. Mais c’est vrai que toute cette partie-là, elle est au moins aussi importante que de descendre la chute en elle-même. On ne se balance pas comme ça n’importe comment sur une chute de vingt mètres. On a vraiment analysé l’eau, on a mis en place des sécurités. On a déjà fait des chutes moins hautes avant de se lancer sur du haut. Et après les sensations c’est quand même assez incroyable de filer avec la vitesse de l’eau jusqu’à la rupture de pente. Et une fois qu’on est lancé dans la rupture de pente, finalement on a tout un moment où on fait vraiment de la chute libre.
Et où on doit gérer notre angle. C’est assez stressant parce que vingt mètres on commence à avoir le temps de corriger mais on a aussi le temps où si ça part on peut vraiment être fichu. Les conséquences, c’est qu’on peut se casser le dos si on atterri trop à plat. C’est vraiment un moment agréable, c’est un moment magique mais on peut aussi se faire mal. On le fait, parce que ce sont des sensations incroyables. Et ce qui est aussi incroyable, c’est de se retrouver en bas d’une chute. Avec justement la puissance de l’eau, il y a du vent, il y a des arcs en ciel. Au moment où en fait tu bascules dans le moment de chute libre, il y a un point essentiel qui est de garder un contact visuel avec la réception de la chute. Et là c’est comme si le temps ralentissait. Et tu sais exactement ce que tu as à faire. Et comment en fait rester calme, placer ton corps, aller doucement, placer la pagaie. Ouais c’est magique. Et puis quand on est en bas et qu’on a bien réussi, le stress il redescend. Et là c’est vraiment de l’adrénaline pure, la satisfaction d’avoir eu une bonne ligne. Et en général on est dans un endroit juste complétement magique. Avec les copains qui sont contents aussi.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR.