La Grande Interview avec Christophe Lemaitre : « Quelque soit le niveau, j’essaie toujours de me donner à fond. »

Triple Champion d’Europe en 2010 à Barcelone sur 100 mètres, 200 mètres et au relais 4x100m, Christophe Lemaitre revient tout au long de ce long entretien sur son parcours depuis qu’il a débuté sa carrière, ses souvenirs avec Usain Bolt ainsi que ses performances actuelles entres autres. Cette interview est également l’occasion d’aborder un sujet grave : le harcèlement scolaire. Rencontre avec Christophe Lemaitre qui figure parmi les plus grands athlètes français.

Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’athlétisme ?

J’ai commencé l’athlétisme à quinze ans.

Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?

J’ai commencé l’athlétisme parce que tout simplement à l’époque quand j’étais gamin je faisais beaucoup de sport. Mais en fait on m’a toujours fait remarquer que je courais vite, on m’a donné des surnoms par rapport à ça. Mais on ne m’a pas guidé jusque vers le sprint. On m’a juste fait la remarque que je courais vite mais c’est tout. Et c’est en cherchant un autre sport que ma mère a découvert l’athlétisme et qu’il y avait un club d’athlétisme à côté de chez moi. Donc on y est allé, on a fait des tests sur 60 mètres et mon premier entraîneur avait été impressionné par mon temps et m’avait conseillé de me mettre au sprint.

A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnel ?

C’était en 2008 quand je suis devenu Champion du Monde junior. Parce que l’année d’avant j’avais été champion du monde cadet. J’étais dans les finales du 100 et du 200 mais sans pour autant me dire que j’aurai pu être pro. Mais c’est après en étant champion du monde junior sur 200 mètres que je me suis dit que j’avais peut-être la possibilité de faire une carrière là-dedans sans pour autant me dire par la suite que j’allais faire ce que j’ai fait jusqu’à maintenant.

Comment ont réagi vos proches quand vous leur avez dit que vous souhaitez devenir un athlète professionnel ?

Ça s’est tout de suite fait dans la foulée, naturellement. Je n’ai jamais vraiment émis le souhait de devenir athlète professionnel. Ça s’est fait au fil des résultats, de la progression. Et après j’ai été très vite approché par mon équipementier juste après la fin des championnats du monde cadet où ils m’ont proposé un contrat. Et du coup ça s’est enchaîné et avec les résultats, la professionnalisation en tant qu’athlète, ça s’est fait petit à petit. Après mes parents m’ont poussé à ce que je continue quand même mes études au lycée pour que j’ai au moins mon Bac Pro. Et après je pouvais décider de ce que j’allais faire.

Le 28 juillet 2010 est une date importante dans votre carrière. Ce jour-là, vous devenez champion d’Europe à Barcelone du 100m en 10s et 11 centièmes. Quel souvenir gardez-vous de cette course ?

Forcément des bons souvenirs. Premier titre européen, mes premiers championnats d’Europe. Ce à quoi je savais que c’était possible mais après ce n’était pas non plus une obsession de gagner ce titre parce que j’étais tout juste au haut niveau. Et pour moi déjà de faire une médaille c’était important parce que je savais que je pouvais le faire. Le titre aussi. Mais ce n’était pas une obsession. Mais quand je suis devenu champion d’Europe, j’étais forcément heureux d’avoir gagné mon premier titre international de ma carrière. Et ça a été un bouleversement et un changement dans ma carrière pour moi, ça c’est sûr.

D’autant plus que vous avez remporté après la finale du 200m et du relais 4x100m. Donc c’était vraiment les championnats d’Europe rêvés en fait…

Totalement. Totalement rêvés parce que moi à la base j’avais dit direct que l’objectif  c’était juste deux médailles dont un titre. Donc c’était un peu loin des trois médailles d’or réalisées.

A ce moment on se dit que tous les sacrifices qu’on a dû faire, ça y est, ça paye enfin ?

Oui c’est ça, totalement. On se dit que ça paye enfin. Je pense qu’on se dit ça après coup parce que sur le coup on est un peu dans la joie du moment, dans le bonheur. On vit l’atmosphère du moment. C’est vraiment après coup qu’on se dit que ça a payé et qu’on a quand même travaillé pour en arriver là.

Quels sacrifices justement cela représente-t-il ?

Je ne parlerai pas de sacrifices parce qu’à partir du moment où j’ai fait un sport qui me plaît c’est une passion. Forcément je ne peux pas parler de sacrifices. C’est quelque chose qui te passionne vraiment. Je dirai que bon après ça demande beaucoup de temps forcément, ça demande de l’énergie, de travailler, de se démener aux entraînements. Mais pas seulement parce qu’après quand on commence à avoir atteint un certain niveau forcément on va dire qu’on a la visibilité qui va avec, donc forcément il y a aussi les médias et de répondre à leur sollicitation ou à d’autres sollicitation. Ça demande aussi du temps.

Cette année, vous n’avez pas pu participer aux Championnats d’Europe car blessé. Cela a dû être une grande frustration pour vous j’imagine. Comment on vit ce moment-là quand vous voyez les camarades à la télé et vous vous êtes blessé ?

C’est sûr qu’on a envie d’y être. Après moi par expérience, les blessures ce n’est pas ma première et je sais gérer ça émotionnellement et mentalement. Donc du coup c’est sûr que ça aurait été ma première blessure et que j’aurai raté ça, forcément là je l’aurai un peu mal vécu. Mais maintenant avec l’expérience j’arrive à relativiser, à positiver, et à me dire que ce sont des choses qui arrivent. Maintenant je vis avec et je prends le temps de me soigner, de guérir etc. Et soutenir les camarades de l’Équipe de France.

Vous avez été content de leur prestation j’imagine ?

Oui forcément j’étais content de leur prestation. Bon après on a eu des manqués comme la blessure de Jimmy sur 100m ou le zéro de Kévin Mayer à la longueur. Je pense que c’était presque deux médailles d’or qui auraient pu être dans l’escarcelle de l’Équipe de France.

Après, il y a eu quand même de belles surprises aussi. C’était quand même une belle Équipe de France, assez jeune. Il y a eu beaucoup de jeunes qui ont eu des résultats qu’on n’attendait pas au plus haut niveau. Et donc globalement c’était quand même une bonne Équipe de France en règle générale.

Votre blessure passée, quels sont à présents vos prochaines échéances et objectifs pour la suite de la saison ?

Là maintenant c’est repos. On va reprendre l’entraînement dans pas longtemps, dans les semaines à venir. Préparer la saison en salle. Et puis bien sûr, l’objectif 2019 ce sont les championnats du monde fin septembre. Le but ce sera comme d’habitude, essayer de remonter sur le podium mondial.

Avant de prendre le départ d’une course, quel est votre principale stratégie ? est-ce qu’avant de courir un 100m, vous avez déjà dans votre tête ce que vous allez faire ou vous courez au feeling ?

Oui j’y vais au feeling parce qu’on répète ce qu’on est censé faire en compétition à l’entraînement. On répète, on rabâche. Normalement après c’est censé être encré dans ta tête. C’est censé devenir des automatismes qui doivent se mettre en place lors des compétitions où on ne pense plus à ça. On pense juste à l’instant du moment, et si ça se passe bien, tout ce qui est aspect technique doit se mettre en place tout seul.

Avez-vous également des petits rituels avant chaque entrée en compétition ?

Pas spécialement non. Pas vraiment de rituel, juste faire toujours le même échauffement en compétition dans le même ordre. Mais sinon pas de rituel ou de geste ou quoique ce soit d’autres.

Depuis le début de votre carrière, vous avez pu affronter de nombreuses stars de l’athlétisme dont un certain Usain Bolt. Que retenez-vous de vos courses face à lui ? Comment se prépare-t-on à affronter Usain Bolt ?

Je me prépare comme si je me préparais à faire une course aux interclubs. Quelque soit le niveau, j’essaie toujours de me donner à fond. Après c’est surtout la compétition en elle-même qui importe. C’est sûr que si c’est un interclub et un championnat monde ce n’est pas la même pression, ni la même  atmosphère du moment. Mais ce n’est pas le fait de courir contre Usain Bolt ou qui que ce soit d’autre qui change quelque chose par rapport à moi.

Quelle impression gardez-vous d’Usain Bolt ? Pouvez-vous nous parler un peu de lui, comment il est en compétition, ses qualités au sprint ?

De toute façon en termes de carrière, forcément c’est le plus grand sprinteur et peut être même l’athlète de l’histoire de l’athlétisme par ses titres et ses records. C’est un gars qui a un don inné pour le sprint. Forcément pour faire les chronos qu’il a fait et repousser les barrières chronométriques du sprint, je pense qu’il faut avoir un don et des capacités innées au sprint hors norme qu’on ne verra pas avant un très long moment. C’est quand même un personnage qui est assez naturel que ce soit dans la vie ou en compétition. Il est assez naturel, assez simple et qui reste lui-même quel que soit les circonstances.

Aujourd’hui vous voyagez partout dans le monde, vous passez à la télé, vous affrontez des stars de l’athlétisme. Cependant tout n’a pas été facile pour vous, notamment au collège où vous avez été victime de harcèlement scolaire. Vous vous êtes d’ailleurs engagé dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Tout d’abord, vous arrive-t-il encore de repenser à cette période de votre vie ?

Ah non pas du tout. Ça c’est quelque chose qui est déjà passé depuis un moment, je ne suis pas quelqu’un qui ressasse le passé. Même ressasser le passé récent. Pour moi c’est quelque chose qui est vraiment loin et je n’y pense même plus du tout.

Quel message aimeriez-vous passer sur le harcèlement scolaire aujourd’hui ? Qu’auriez-vous envie de dire aujourd’hui à toutes ces personnes victimes de harcèlement scolaire au primaire, au collège ou au lycée ?

D’en parler. Parce que le principal problème c’est que les gens qui se font harceler ou les gens qui en sont témoins n’en parlent pas. Du coup les choses traînent et cela peut avoir des conséquences à la longue qui peuvent être dramatiques pour la personne qui est harcelée. Et tout ça parce qu’on n’a pas eu ce geste simple qui est de prévenir soit les parents, soit le personnel pédagogique.

Le fait d’être embêté au collège vous a-t-il donné une source de motivation supérieure pour réussir votre rêve de devenir athlète professionnel ? Vouliez-vous d’un certain coté devenir connu pour enfin avoir une certaine reconnaissance pour vos qualités sportives et humaines que vous n’aviez pas eu au collège ?

Pas spécialement. Disons que j’ai voulu faire du sprint et faire des résultats d’abord pour impressionner les gens et avoir le respect des autres. Pour leur dire « regardez, je suis capable de faire ça. Je suis capable de faire quelque chose. »

Donc voilà, c’était surtout pour impressionner, avoir le respect des gens. On va dire que c’était un peu mon moteur au début, ce qui n’est plus le cas maintenant. Maintenant j’ai d’autres sources de motivation qui sont autres et ce fait là, cette motivation ne l’est plus maintenant pour moi.

Le 5 septembre dernier est sorti au cinéma « Un nouveau jour sur terre ». Sur vos réseaux sociaux on vous a vu très engagé au sujet de ce film. Être mobilisé pour la planète est aussi une autre grande cause qui vous touche ?

Oui c’est une cause qui me touche depuis un moment. Parce qu’au début je voulais faire mes études là-dedans. C’est-à-dire dans tout ce qui est énergie renouvelable. Et pour moi c’est normal qu’on me demande de faire ces photos sur les réseaux sociaux. J’ai dit oui naturellement parce que cette cause me parle. Il me semble important de mettre cette cause un peu plus en avant et de mobiliser les gens.

Quel message aimerait vous faire passer aux gens pour sauver la planète ? Des gestes simples que vous donneriez aux gens à faire ?

Il y en a plein de gestes simple. Faire attention au gaspillage que ce soit alimentaire ou énergétique. Trier ses déchets, privilégier les ampoules à basse consommation etc. Faire ces gestes-là fera déjà avancer les choses.

Enfin, que pouvons-nous vous souhaitez pour la suite de votre carrière ?

Déjà de rester en bonne santé et après on verra pour la suite. Le reste ne dépend que de moi mais déjà être en bonne santé ça sera déjà très bien.

Propos recueillis par Alexandre HOMAR.

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