La Grande Interview avec Jordan Pothain : « C’est encore ce qui reste aujourd’hui dans mon palmarès et qui ne s’effacera jamais, ce qui n’appartient qu’à Guy et moi : finaliste olympique aux Jeux Olympiques de Rio en 2016. »

Médaillé d’or aux Championnats de France en 2016 à Montpellier sur 400m nage libre, le nageur français Jordan Pothain revient tout au long de ce long entretien sur son parcours depuis qu’il a débuté sa carrière. Ses débuts, sa première grande compétition avec l’Équipe de France ainsi que ses premiers Jeux Olympiques à Rio en 2016 pour lesquelles il s’est hissé en finale du 400m nage libre. Une interview dans laquelle Jordan Pothain établit également un bilan de ses derniers Championnats d’Europe, revient sur son choix de rejoindre comme nouvel entraîneur Fabrice Pellerin, et d’évoquer également les dernières performances incroyables réalisées par Charlotte Bonnet lors des derniers Championnats d’Europe. Rencontre.

Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé la natation ?

J’ai commencé à l’âge de 6 ans !

Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?

Au départ, je faisais du judo. Le dojo se trouvait au-dessus de la piscine. J’en ai eu marre après 2 ans de pratique et j’ai simplement passé la porte d’à-côté !

Quel est pour vous le plus grand moment en natation que vous ayez connu ?

Je pense que c’est ma qualification pour les Jeux Olympiques en 2016. Des années de travail intense pour cette finale de folie aux Championnats de France. Ma meilleure performance à cet instant et parmi les meilleurs nageurs français, je touche le mur, je sais que c’est fait. Énorme.

Je sors retrouver mon équipe et mon coach, en pleurant bien évidemment ! Et tout le monde fait de même, ce sont des instants gravés à vie.

A partir de quel moment avez-vous compris que vous avez le niveau pour devenir professionnel ?

Je ne me considère pas comme professionnel, même si j’aimerais le devenir. Ne vivre que pour ça chaque jour et être assuré d’un avenir plus sécurisé financièrement notamment. Aujourd’hui, c’est une priorité et une passion tout simplement.

En décembre 2014, je participe à ma première finale A sur les championnats de France petit bassin. Je finis 6e du 200m nage libre. Cette place a fait naître en moi l’idée qu’une place en relais dans l’Équipe de France était possible. Quelques mois plus tard, en avril 2015, c’est fait et j’attaque la compétition internationale. À partir de là, on ne rêve plus que d’une chose…

Vous souvenez-vous de votre première grande compétition avec l’Équipe de France ?

Évidemment ! Il y a 3 ans, nous étions à Kazan en Russie pour les Championnats du Monde.

Tout était grandiose, j’étais comme un gosse à Disney Land. Et en même temps, hyper concentré pour ma course (le relais 4*200m NL). C’est une de mes forces : absorber l’énergie positive des grands évènements et l’associer à mes motivations personnelles.

En 2016, vous remportez la médaille d’or aux Championnats de France de Montpellier sur 400m nage libre grand bassin. Votre premier titre. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Enfin !! J’ai vraiment couru après cette médaille d’or et c’était beaucoup d’émotion.

La semaine avait été très difficile puisque les sélections olympiques étaient en jeu. Deux jours plus tôt, j’avais pris la 2e place du 200m Nage Libre après un problème de touche et toute une histoire incroyable qui a un peu gâché l’instant de ma qualification pour Rio. Bref, beaucoup d’énergie perdue là-dedans mais j’avais gagné une image publique incroyable et chaque personne que je croisais au bord du bassin me donnait de la force pour cette épreuve devenue ma spécialité. Je me souviendrai toujours du public qui hurle pour la première fois lorsque je sors de la chambre d’appel pour la finale. Une vague d’énergie juste hallucinante. J’en ai des frissons en y repensant. Avant la course, c’est difficile à expliquer mais je sais que c’est la mienne, je vais gagner c’est certain. J’ai remporté les 3 meetings internationaux que j’ai faits depuis janvier, je l’ai en moi. Je dois aller chercher le temps de qualification en plus. 3’46 »66, moi qui nage 3’49, et qui depuis les 8 derniers mois où j’ai eu connaissance de ce temps, n’ai jamais douté d’être capable d’aller le chercher.

Tout se déroule comme je l’avais prévu même si je manque de relâchement. Je le paye sur la fin de course mais je m’accroche car je sais que je peux le faire à peu de choses prêts. Je suis vraiment devant Damien Joly et Joris Bouchaut à 350m et il ne reste plus que le chrono. Qui me bat finalement ! 3’47’77 ! Ce n’est pas grave, j’ai gagné ! 😉

En 2016 se déroulent également les Jeux Olympiques de Rio. Votre préparation est tronquée par une mononucléose. Comment avez-vous vécu cet épisode ? Avez-vous douté ou au contraire étiez-vous serein ?

Sans mentir, ça a été horrible. Mais j’étais tellement fort dans ma tête cette année-là que je suis entré directement en combat avec la maladie. Je lui ai interdit de me barrer la route et je l’ai ruée de coup. Chaque jour. Le combat était atroce pendant les Championnats d’Europe de Londres, mon corps vacille, tu affrontes le niveau continental sur 200 et 400m avec un couteau dans chaque membre. Une angine blanche m’empêche de me nourrir et de dormir, mais je me bats pour tenir jusqu’au relais 4*200m avec les gars. Mes repas prenaient plus d’une heure pour avaler la bouffe par micro-bouchées.

Même pas 4 semaines après le début de l’affrontement, je suis déclaré vainqueur et cette maladie n’est plus qu’un mauvais souvenir.

Aux JO de Rio, vous vous qualifiez pour la finale du 400m nage libre. Malgré votre huitième place, atteindre la finale devait être un grand motif de satisfaction pour vous. Que retenez-vous de ce moment de votre carrière ? Et de ces JO ?

C’était une journée incroyable. J’étais sûr de moi, j’avais fait un dernier cycle d’entraînement hyper difficile et je n’avais jamais nagé à ce niveau-là à l’entraînement. En partant pour Paris depuis Grenoble, je me rappelle avoir dit à Guy que je serai finalement déçu si je rentre de Rio sans une finale sur le 400m.

Le jour J, tout était au beau fixe, j’avais super bien dormi, j’avais encore cette certitude sur le résultat de la course, mélangée à l’excitation du cadre exceptionnel qui m’a nourri d’énergie d’abord, mais aussi de connaître ce résultat. Échauffement type avec Guy, les feux sont au vert. Mon dernier souvenir jusqu’à la série, c’est au moment où je viens accrocher mes mains au plot : elles sont en train de trembler et ça ne m’est jamais arrivé. C’était l’excitation. Course parfaite à ce moment-là, je suis concentré sur moi et relâché. Je pars sûrement trop vite comme toujours. Je me souviens être devant à 200m et savoir que je vais aller jusqu’au bout dans cette position. Lors du dernier 100m, je sais que je suis en train de faire une superbe course, le dernier virage me saigne les jambes mais la tête tire tout simplement mon corps jusqu’à l’arrivée. Je n’en reviens pas de voir mon temps, 3’45 »43. Il reste les deux séries rapides après moi, le temps de faire les interviews j’arrive au bassin lors de la dernière. Je pose mes affaires et le tableau géant du classement apparaît : 8e !  » Tu l’as fais !  »

Toutes l’équipe vient me féliciter, avec Guy on est pris par l’émotion et c’est un moment fort.

Après la journée, j’ai commis l’erreur du portable je crois ! Trop de messages, d’appels. L’objectif était rempli mais ça ne m’a pas empêché de croire à la plus belle des médailles toute la journée : pourquoi ne pas refaire une course de folie comme en séries et aller chercher l’impossible ?! J’y croyais.

J’étais bien moins détendu que le matin en chambre d’appel, c’était vraiment électrique. J’avoue m’être senti le 8e homme à ce moment-là.

La finale c’est d’abord une entrée derrière ce bassin de tous les jours mais cette arène olympique que tu ne rencontres que rarement. C’est marquant. Le départ est lancé, je suis à la 8, à côté de James Guy. On part vite, trop pour moi. À 200m, cela n’a rien à voir avec les séries et je vois tout le monde partir alors que je relance. Je fonce et je sers les dents. Je sais que le podium ce n’est pas aujourd’hui mais je me bats pour une meilleure place, un meilleur chrono. Grosse déception à l’arrivée. 3’49, 8e. Mais très vite, je comprends que c’est la place qui est plus belle que ce temps pas terrible. C’est encore ce qui reste aujourd’hui dans mon palmarès et qui ne s’effacera jamais, ce qui n’appartient qu’à Guy et moi : finaliste olympique aux Jeux Olympiques de Rio en 2016.

Les Jeux, de façon plus globale, c’est du 100% incroyable, extraordinaire et démesuré. J’avais les yeux qui brillaient tous les jours dans le village pour commencer, les lieux étaient magiques, tu croises Djokovic et Bolt dans ce self aux 10 000 places. Tu rentres dans une tour aux couleurs de ton pays, les rues sont belles, arborées, surplombées par les drapeaux du monde qui flottent. Une zone d’entraînement aussi grande que le village, une zone de compétition qui envoie du lourd. Disneyland version sport. J’ai emmagasiné toute cette bonne énergie pour mes perfs et c’est gravé à vie.

Cette année, aux Championnats d’Europe, vous avez été sorti dès les séries du 200m nage libre. Qu’est-ce qui vous a manqué selon vous pour obtenir un meilleur chrono ? Quel bilan feriez-vous de vos Championnats d’Europe ?

Beaucoup de choses ! De la confiance pour commencer, de la sérénité qui m’a été enlevé à deux jours du départ par mon ancien club. Le travail, je l’ai. Mais je ne sais plus où piocher dans un éventail immense de nages et de sensations que j’ai connu. Je suis un peu perdu. Chaque jour, je repartais de zéro à quelques jours de la compétition. À partir de là, c’est un combat difficile pour ne rien lâcher, mais pas pour performer. Enfin, je ne peux mesurer l’impact de mes problèmes de cœur survenus quelques jours après. Il n’y a pas de fumée sans feu…

Le bilan, c’est que vraiment ces championnats ne m’ont rien apporté en termes de performance et d’expérience sportive. Je retiens juste toute cette belle énergie de l’équipe de France, les médailles et l’émotion. Je vis ça intensément, et j’ai hâte de le vivre à mon tour.

Vous avez également décidé de rejoindre Fabrice Pellerin comme entraîneur. Un entraîneur qui a vu passer beaucoup de grands champions (Yannick Agnel, Camille Muffat…) et également actuel entraîneur de Charlotte Bonnet. Dans quel domaine pensez-vous pouvoir progresser grâce à votre nouvel entraîneur ? A quoi ressemblent les entraînements de Fabrice Pellerin ?

Je pense trouver des réponses à toutes mes interrogations et me retrouver. C’est-à-dire savoir ce que je vais faire et le faire. Reconstruire progressivement confiance et stabilité en récupérant ça dans l’eau.

Cela ne fait que deux semaines que l’on a repris. C’est compliqué d’être descriptif sans être réducteur : il y a beaucoup de situations qui t’amènent une ou des questions, et c’est à toi de trouver ta réponse. C’est la partie technique. Tu peux faire un feedback ensuite et essayer de trouver la réponse qui te correspond le mieux.  Il y a une seconde place pour un travail physiologique, tout en étant toujours connecté à ce que tu fais. En mettant en place ce que tu as vu pendant les précédents moments techniques. C’est très spécifique, on est sur des allures de course, ou dans une forme de petits défis répétés.

Ces Championnats d’Europe ont permis à Charlotte Bonnet de se distinguer en remportant trois médailles d’or (Médaillée d’or au 200m nage libre, médaillée d’or au relais 4x100m et du relais mixte 4x100m) Que vous inspire-t-elle ?

Charlotte m’impressionne clairement. Je pense qu’on se ressemble sur beaucoup de points, et je pense qu’on a connu beaucoup de situations difficiles et similaires. Je suis vraiment heureux pour elle, et elle et ses performances me donnent la rage de continuer de rien lâcher.

Enfin, quels sont vos prochains objectifs ?

Vraiment, je vais commencer par me remettre sur les rails après ces deux années difficiles depuis Rio. Me retrouver et repasser par le plaisir de performer. J’adore nager, mais quand ça va vite et bien, c’est bien plus agréable. Si cet objectif est rempli, on reparlera dans la précision !

Propos recueillis par Alexandre HOMAR

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