Rencontre avec Marjorie Mayans : « C’est vrai que je fais vraiment partie des pionnières un peu du rugby féminin. Et j’ai vraiment vu durant ces quinze dernières années une évolution monumentale. »

Au club de Blagnac depuis 2009, joueuse du XV de France et en Équipe de France à 7, Marjorie Mayans nous emmène, tout du long de cet entretien, à la découverte de son sport et du rugby féminin. De ses débuts et l’origine de cette passion pour le rugby aux exigences et qualités qu’exige son poste en club et en sélection, en passant par sa participation aux Jeux Olympiques de Rio en 2016 avec l’Équipe de France à 7 ou encore sur le Tournoi des 6 nations qu’elle a remporté en réalisant le Grand Chelem l’année dernière avec le XV de France, Marjorie Mayans évoque tout ce qui peut jalonner sa vie de haut niveau en club et en Équipe de France. Un entretien durant lequel on évoque également le sujet des commotions cérébrales. Rencontre.

Tout d’abord, comment vous est venue cette passion pour le rugby ?

C’est venu très jeune. J’avais neuf ans et c’est arrivé un peu par hasard. Moi à l’époque, je faisais du tennis. Et avec la tempête de 1999, il n’y avait plus de cours. Donc je voulais faire un autre sport. Mon petit frère faisait du rugby, je suis allé le voir à l’entraînement et ça avait l’air cool. J’ai demandé à essayer. Les dirigeants m’ont gentiment prêté une paire de crampons, un short, et voilà, j’étais sur le terrain.

En 2009, c’est vers le sud-ouest de la France que vous décidez de commencer à écrire le premier chapitre de votre histoire avec le rugby. Et plus précisément, vous décidez de poser vos valises au sein du club de Blagnac. Tout d’abord comment avez-vous mûri votre réflexion de décider de vouloir vivre de votre passion, le rugby ?

C’est venu vraiment petit à petit. J’ai commencé à neuf ans et je n’ai plus jamais arrêté. De 1999 à maintenant, je n’ai jamais arrêté le rugby. C’était vraiment une passion. Et je ne comptais pas du tout en faire mon métier. Puis quand j’étais en moins de dix-huit ans, j’ai commencé à faire beaucoup de sélections. Je suis passé avec les moins de vingt ans, puis avec l’Équipe de France Senior. J’ai fait du 7, du XV, j’étais en club.

Et en 2014, les premiers contrats fédéraux ont été créé pour le rugby à 7 dans l’objectif des JO de 2016. Et du coup, c’est assez naturellement que j’ai accepté le contrat.

Comment ont réagi vos proches quand vous leur avez signifié votre choix de vivre de votre passion ?

Plutôt bien. Tout le monde était ravi, on signait les premiers contrats de rugby féminin en France. Et c’était pour un très bel objectif de participer aux Jeux Olympiques de Rio. Donc tout le monde était ravi pour moi.

Pourquoi avoir choisi le club de Blagnac pour débuter votre carrière ? Comment avez-vous découvert ce club ?

En fait, je suis arrivé en région toulousaine quand j’avais environ douze treize ans et je jouais à l’époque avec les garçons. Et il arrive un âge où on a plus le droit de jouer avec les garçons, à partir de minimes. Et Saint-Orens était un des gros et un des seuls clubs féminins de la région. Donc sur un des tournois des joueuses du club sont venues me contacter pour me faire savoir que ce club existait. Parce que moi je n’étais pas au courant, je jouais avec les garçons, et j’étais très bien. Et quand j’avais plus l’âge de jouer avec les garçons, je me suis dirigée vers Saint-Orens. Qui ensuite est devenu Blagnac.

A l’époque, le projet sportif de Saint-Orens vous a tout de suite séduit ?

J’étais assez jeune à l’époque. Mais oui, je savais que Saint-Orens était en Elite, gagnait beaucoup de matches, était championne de France, et forcément c’était plutôt très attirant. Même si forcément j’étais très déçue de ne plus jouer avec les garçons. Mais ça a été assez naturellement que je me suis dirigée vers ce club.

Cela va faire maintenant dix ans que vous êtes au sein de ce club. Depuis tout ce temps, vous avez dû voir évoluez beaucoup de choses dans votre sport, dans votre championnat. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu évoluer depuis vos débuts ?

C’est vrai que moi je fais vraiment partie des pionnières un peu du rugby féminin. Et j’ai vraiment vu durant ces quinze dernières années une évolution monumentale. A l’époque, quand j’étais en cadette, les moins de dix-huit ans on se retrouvaient parfois à huit ou neuf à l‘entraînement. Bon forcément on était compétitrice, mais on ne faisait pas de musculation à coté, on ne s’entraînait pas en plus à côté. On faisait nos deux trois entraînements par semaine et c’était vraiment un loisir, une passion. Même si moi à coté j’étais au Pôle Espoir à Jolimont. Donc j’étais déjà entrée dans une logique de haut niveau. Mais en club, c’est vrai que c’était très très amateur. Et dans les moyens et dans la préparation.

Et je crois qu’on s’est vraiment structuré d’années en années. Et on est arrivé aujourd’hui à des installations, des équipements, un staff, une préparation et une envie vraiment de performer et de rentrer dans le haut niveau.

Il y a une vraie volonté de se défaire de ce côté un peu amateur pour rejoindre le côté un peu plus professionnel, comme les garçons en fait…

Oui, en tout cas dans la préparation. Pas forcément dans le salaire, pas forcément dans leur championnat, parce que je crois que c’est hyper important encore que les filles gardent leur métier, qu’on garde un lien avec la vraie vie entre guillemets. Mais en tout cas, dans la préparation, oui je crois que c’est primordial qu’on rentre dans une logique de haut niveau.

Aujourd’hui, vous occupez le poste de troisième ligne avec Blagnac. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce rôle, et quelles sont les exigences et qualités qu’impose ce poste ?

Le troisième ligne c’est un poste assez complet. Moi je suis passée troisième ligne aile parce que mon point fort c’est la défense. J’ai toujours aimé plaquer. Et j’essaye de garder cette qualité et de l’améliorer. J’aime également jouer au ballon, j’aime faire jouer les autres. J’aime me déplacer sur le terrain. Et en troisième ligne, il faut un petit peu coller au ballon. Et être là où ça va jouer. Donc avoir une certaine vision de jeu.  Et la défense reste vraiment la grosse qualité nécessaire.

Avez-vous mis du temps à vous adapter à ce poste ?

Non, ça s’est fait naturellement. C’est vrai que j’ai joué au centre quand je suis montée en Senior, mais mon passage en troisième ligne s’est fait assez facilement. Parce que je connaissais les exigences des trois quarts et en faisant du 7, techniquement j’étais assez à l’aise. Donc j’ai un profil un peu atypique en troisième ligne mais je me suis servie de ce que je savais faire en rugby pour pouvoir faire le lien un peu entre les avants et les trois quarts.

En jouant en troisième ligne aile, votre poste exige donc de vous que vous réalisiez plusieurs plaquages durant le match. Comment appréhendez-vous votre adversaire pour réaliser un plaquage propre et efficace ?

D’abord, ce qu’il faut analyser, c’est un petit peu le gabarit de l’adversaire. C’est sûr que quelqu’un qui fait quatre-vingt-dix kilos et un mètre quatre-vingts et quelqu’un qui fait un mètre soixante et cinquante-six kilos, on ne va pas plaquer de la même manière. Mais j’essaie du coup d’adapter mes plaquages et ma défense à l’équipe, à l’adversaire. En essayant toujours d’avoir la volonté d’avancer sur le plaquage. Et si possibilité, de couper la transmission, de bloquer la passe, pour que le joueur ne puisse pas transmettre.

Pour vous, qu’est-ce qu’un plaquage propre et efficace, un plaquage parfait ?

Pour moi, un plaquage parfait c’est le plaquage qui fait reculer l’adversaire et nous permet de récupérer le ballon.

Au début, avez-vous vu eu peur d’aller au contact ?

Pas du tout. C’est vrai que dès que j’ai commencé le rugby en fait, mon père m’a dit « bon, tu n’es pas épaisse, t’es pas grande par rapport aux garçons, donc plaque aux jambes et ils vont tomber. » Et voilà, je me suis tout de suite jetée dans les jambes et ça a plutôt bien fonctionné. Bien sûr qu’au fil des années j’ai amélioré ma technique mais je n’ai jamais eu peur du contact et c’est vraiment pour moi quelque chose qui me plaisait, et ce dès gamine.

Aujourd’hui, on parle beaucoup des commotions cérébrales dans le monde du rugby. Selon vous, qu’est-ce qui serait possible de faire, de mettre en place, pour éviter que des commotions cérébrales ait encore lieu durant des matchs de rugby ?

Je crois qu’une bonne partie des commotions les gens arrivent sur une mauvaise technique de plaquage. Moi la première, j’ai fait quelques commotions, et souvent cela arrivait quand je mettais la tête du mauvais côté. Parce que forcément au rugby, il y a beaucoup d’intensité, il y a des moments où l’on est dans le rouge et où notre technique baisse. Donc je crois qu’il faut vraiment mettre la priorité sur la technique de plaquage pour que même en match et que même quand on est mort on arrive à avoir des automatismes de plaquages qui permettent de rester en sécurité.

Après, c’est un sport de combat donc forcément que même si on met tous nos atouts de notre côté il y aura des risques. Mais je crois qu’avec une bonne technique, en tout cas on peut vraiment limiter le nombre de commotions.

Selon vous, y a-t-il suffisamment de sensibilisation au sein des clubs à ce sujet ?

Je crois qu’on est en train de le faire. C’est comme tout, il faut un petit peu de temps. Mais le milieu médical s’est sensibilisé là-dessus au vu du nombre de commotions qui ont augmentées. Et surtout, il y a dix ans, on ne savait pas vraiment ce que c’était. Donc difficile de sensibiliser là-dessus. On ne faisait pas vraiment attention. Mais là, c’est vraiment en train d’être pris en compte. Et je crois que c’est en bonne voie.

Quel est le protocole mis en place pour le sportif ou la sportive victime d’une commotion cérébrale en plein match ?

Actuellement, les cartons bleus sont mis en place par les arbitres s’ils pensent qu’il peut y avoir une commotion. Donc le joueur a l’obligation de sortir et le protocole est mis en place en dehors du terrain. Donc il y a tout une batterie de tests qui doit se faire immédiatement pour savoir si oui ou non, il y a commotion. Si le match est filmé, les médecins étudient la vidéo. Mais sinon il y a beaucoup de tests, notamment des tests pour la mémoire et l’équilibre.

Avec votre club de Blagnac, vous évoluez au sein du championnat Elite. Tout d’abord, comment se déroule une saison dans votre championnat ? Pouvez-vous nous faire découvrir comment se passe une saison complète au sein de votre championnat ? 

Il y a huit équipes par poules. Donc sept matches en phase aller, sept matches en phase retour. Et ensuite, quarts, demis et finale pour celles qui ont la chance d’y accéder, qui se déroulent en juin.

Quels sont aujourd’hui les adversaires les plus dangereux au sein de votre championnat ?

Je crois qu’actuellement on peut dire que Montpellier et le Stade Toulousain sont les principales concurrentes du Championnat Elite.

Aujourd’hui, vous vous portez bien avec votre club en championnat. Actuellement, vous occupez la deuxième place du classement. Finir à la première place en fin de saison est-il dans un coin de votre tête ?

Oui je crois. Après moi cette année, ma priorité est avec l’Équipe de France à 7 parce qu’on se qualifie pour les Jeux Olympiques. Donc j’ai eu l’occasion de faire seulement deux matches avec mon club. Mais oui, je crois en l’équipe et j’espère qu’elles finiront première de poules pour aborder les phases finales plus sereinement. Ça fait quelques années qu’on bute en demi-finales. Donc là cette année, j’aimerai bien que Blagnac arrive à franchir ce cap.

Sur un plan personnel, quels objectifs vous êtes-vous fixés en début de saison en club ?

Je crois que là maintenant c’est le moment de franchir le pas et d’arriver à la finale.

En club avec Blagnac, comment étudiez-vous vos adversaires que vous allez rencontrer ?

Les matches sont généralement filmés. Donc le staff prépare des analyses vidéos pour étudier un peu l’adversaire et préparer les plans de jeu en fonctions.

Avec le XV de France, vous avez remporté l’année dernière le tournoi des six nations en faisant le Grand Chelem. Comment s’est construit ce sacre ?

Ça a été une très belle expérience avec le XV de France. J’avais déjà remporté le Grand Chelem en 2014 mais l’année dernière ça a été une très belle saison pour le XV féminin. Je pense qu’on avait un très bon groupe, et que le rugby féminin français se construit bien. Avec des joueuses de très bonne qualité. Et un groupe qui vit bien. Donc je crois que ça s’est retranscrit sur le terrain et qu’on a réussi à aller chercher le titre.

Pour vous, que représente le fait de porter le maillot de l’Equipe de France ?

C’est toujours un honneur. J’ai eu la chance de le porter beaucoup de fois, que ce soit avec l’Équipe de France à 7 ou avec le XV. Mais c’est toujours un honneur et j’essaie un maximum de le porter fièrement et de toujours tout donner pour représenter correctement notre pays. C’est vrai que chanter une Marseillaise ou la chance de jouer au rugby avec le maillot de son pays c’est toujours quelque chose de fantastique. Donc on en profite.

En plus du XV de France vous évoluez également en Équipe de France à 7. Équipe avec laquelle vous avez disputé les Jeux Olympiques en 2016 à RIO. Quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux ?

C’était un sentiment assez mitigé parce que très déçue au niveau du résultat. On perd en quarts de finale de quasiment rien et on finit septième du tournoi, ce n’était pas notre intention. Mais une expérience formidable parce que vivre des JO, vivre les premiers JO du rugby à 7, ça a été quelque chose de magnifique. De rencontrer peins d’autres athlètes et vivre dans ce village olympique, ça a été très riche en émotion. Ça été une très bonne expérience.

Selon vous, quelles améliorations pourraient être apportées aujourd’hui afin d’aider davantage le rugby féminin en termes d’image, de notoriété et de crédibilité auprès du grand public ?

Je crois qu’il faut continuer, on est vraiment sur une bonne voie en termes de médiatisation, en termes de moyens. Il faut que le rugby féminin trouve sa propre voie et qu’on n’essaye pas de se calquer sur les garçons parce que je ne suis pas sûr que ce soit la solution. Pour moi, je pense que le rugby à 7 gagnerai à être connu. Parce qu’on en parle beaucoup mais le rugby féminin c’est un projet commun entre le 7 et le XV. Et je crois qu’on progresse très bien dans le jeu mais aussi dans l’esprit des gens. La société un peu macho de nos jours tend à se dissiper et le sport féminin est de plus en plus accepté. Je crois que nous, il faut qu’on continue à faire de bons résultats, à montrer une bonne image de notre sport. Et que les médias continuent de valoriser le sport féminin.

Enfin, quels sont à présent vos prochains objectifs en club et en sélection ?

En club, je pense que je n’aurai pas la chance de disputer les phases finales avec Blagnac. Je leur souhaite forcément d’aller le plus loin possible.

Et en Équipe de France, là c’est vraiment l’objectif de la qualification aux JO pour Tokyo 2020.

Propos recueillis par Alexandre HOMAR

Les commentaires sont fermés.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :