Rencontre avec Sophie Duarte : « L’esprit de compétition a toujours été en moi »

Photo en Une délivrée par l’athlète.

Sacrée Championne de France de cross en 2018, Championne d’Europe de country-cross en 2013, et détentrice du record de France sur le 3000 mètres steeple depuis 2009, Sophie Duarte revient tout au long de cet entretien sur son parcours depuis qu’elle a débuté sa carrière. Une interview dans laquelle Sophie Duarte nous plonge directement dans l’univers de la course à pied et ce qui jalonne la vie d’un athlète de haut niveau. L’occasion également pour Sophie Duarte de nous emmener à la découverte du 3000 mètres steeple et du cross. Un entretien où elle nous présente aussi la « Running Experience » qu’elle a créée depuis peu. Un concept de coaching en ligne avec des offres de stages afin de mettre à profit son expérience et son expertise au service des personnes et en fonction de leur objectif. Rencontre.

Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’athlétisme ?

En première année de fac, à dix-neuf ans. C’est là où j’ai commencé l’athlétisme en compétition.

Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?

J’ai toujours aimé courir depuis jeune. Et puis c’est un entraîneur qui m’a dirigée vers la compétition en première année de Staps.

Pour vous, la course à pied était synonyme d’évasion ?

Pour moi, la course à pied, c’est plusieurs choses.

La première chose, tu l’as bien formulée, c’est le mot « évasion », qui est vraiment fort. Après, la deuxième chose, c’est aussi la découverte avec la nature. Et puis la troisième chose après, c’est aussi un moyen de flirter avec ses limites, en temps et en intensité. Parce que c’est vraiment un sport sollicitant.

La course à pied c’est également un moment à soi. Mais c’est aussi, sur des périodes de compétitions, le dépassement de soi. Et la course à pied m’a permis aussi de découvrir beaucoup d’horizons et énormément de cultures différentes.

A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnel ?

Le moment, je dirais que c’est à mon premier Championnat du monde en 2007, où je finis cinquième. Là, tout s’est enclenché.

Et j’ai compris en plus que c’était le début de quelque chose parce que c’était mon premier Championnat du monde et que je commençais tardivement.

L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?

L’esprit de compétition a toujours été en moi. Et dans tout ! Ça pouvait être dans le sport, dans les jeux à la cour d’école, dans les loisirs ou même pour les notes au lycée. Cet esprit je l’ai toujours eu.

Que vous procure la course à pied ? Par quelles sensations êtes-vous traversée au cours de vos différentes sorties d’entraînement ?

Quand tu as fini ton entraînement, tu as un sentiment d’accomplissement.

Il y a aussi forcément un sentiment d’estime de soi qui est augmenté, parce que tu as fait quelque chose de dur, tu l’as surmonté, et donc tu te sens fort.

Il y a bien-sûr des moments très difficiles, où tu es blessée et où tu ne peux pas t’exprimer. Et là tu as un sentiment d’impuissance face au contexte.

Et il y a aussi tout ce qui est lié avec les endorphines. Tu es dans un état de bien-être. Par contre, ça, attention, c’est à postériori.

Pendant les différentes sorties d’entraînement, ce sont des états de fatigues. Des états de stress aussi. Tu as également le sentiment d’énervement parfois parce que tu t’énerves soit après les autres ou contre toi-même. Parce que parfois, quand tu cours à plusieurs, il y a aussi l’esprit de compétition qui est taillé au vif.

Et tu as ces sentiments de bien-être quand tu as des entraînements un peu plus modérés où tu peux faire corps avec la nature.

Depuis le début de votre carrière vous vous êtes constituée un impressionnant palmarès en ce qui concerne le demi-fond. Sur quelle distance jugez-vous être la plus à l’aise ?

Si on juge par rapport aux résultats sportifs, c’est évidemment le 3000m steeple puisque c’est là où j’ai fait mes meilleurs résultats on va dire.

Mais là où je suis le plus à l’aise, c’est le cross. On dit que le cross c’est l’école de la vie dans le sens où tout le monde a fait du cross scolaire. Il n’y a pas de chrono, donc là c’est le parcours qui fait foi, tu dois t’adapter et c’est la compétition contre les autres.

Et en fait moi, je suis quelqu’un qui s’adapte bien aux parcours, j’ai un esprit de compétition élevé, et donc j’arrive vraiment à m’exprimer au mieux de mes capacités en cross.

Comment expliquez-vous votre polyvalence ?

De par déjà mes qualités physiques j’imagine. Parce que je ne suis pas quelqu’un de rapide. Donc forcément, si je suis endurante, avec un peu de vitesse nécessaire, je peux faire du 3000m, 5000m et du dix kilomètres.

Ensuite, c’est aussi l’entraînement. Je suis quelqu’un qui fait autant d’endurance que du travail plus rapide que de la musculation. Donc finalement je me suis créée un panel complet au niveau de mes qualités physiques.

Il y a dix ans, vous réalisez le record de France du 3000m steeple avec un temps de 9 minutes 25s 62 centièmes. Un record qui n’a toujours pas été détrôné. Quels souvenirs gardez-vous de cette course ?

J’en garde un goût un petit peu amer. Parce qu’en fait je passe la ligne et je n’ai pas conscience d’avoir couru aussi vite ! Donc c’est un grand moment de satisfaction après la course parce que j’ai rebattu on va dire mon propre record. Mais ce qui me frustre, c’est que j’avais fait une bonne course mais pas non plus excellente. C’est vraiment un sentiment un peu curieux. Il y a un sentiment de satisfaction, mais il y a l’idée aussi j’aurai pu faire descendre ce chrono encore plus bas, même si ça je ne le saurai jamais.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un 3000m steeple ?

Alors, un 3000m steeple sur piste est espacé d’obstacles. Ces obstacles sont des barrières à franchir. Elles sont au nombre de cinq, dont une qui est suivie d’une rivière que l’on doit franchir. Il y a trente-cinq barrières en tout à franchir durant l’épreuve puisque le premier 200m il n’y a pas de barrières, mais qu’après il y a sept tours à accomplir. Ce qui fait donc trente-cinq barrières.

Donc ça ressemble aussi au cross. Puisque c’est aussi une succession de ralentissements, d’obstacles.

Quelles sont les exigences que demande la pratique du 3000m steeple ?

Vitesse et endurance. Il faut aussi avoir des conditions physiques des jambes très fortes pour être en capacité d’endurer l’effort tour après tour. Ce qui entraîne de la fatigue musculaire. Et si tu n’es pas solide des jambes, tu ne finis pas.

Quelles sont les principales difficultés que l’on peut rencontrer lors d’un 3000m steeple ?

C’est la chute. Comme par exemple une chute liée aux incidents de course comme au vélo dans un peloton.

Et puis après il y a aussi la difficulté du dernier 600m. Car là, en plus d’être à bloc comme dans toutes les courses, on a l’obstacle à franchir en plus.

Dans une carrière de sportif de haut niveau, le mental joue aussi beaucoup. Comment arrivez-vous à gérer votre stress avant le début d’une course ?

Moi je sais que par exemple quand j’avais beaucoup de confiance, c’était facile parce que tu arrives et tu es serein. Mais quand tu es un peu moins confiant, il faut garder en mémoire les souvenirs des courses qui se sont bien passées. Ou bien se remémorer des entraînements qui se sont bien passés.

Alors maintenant, à un moment donné, ça peut ne plus suffire parce qu’on évolue. Donc moi par exemple j’ai eu un entraîneur qui faisait de l’hypnose. Tout ça aide à gérer le stress.

Après, le stress est positif donc on a l’habitude de l’avoir. Mais comme on évolue, à un moment donné, effectivement il faut trouver des clés. Et c’est ça le plus difficile dans notre sport.

Comment, au fur et à mesure des années, arrivent-on à se renouveler psychologiquement et mentalement ?

Moi déjà j’aime courir, donc ce n’est pas pour moi une contrainte d’aller à l’entraînement. Parfois ça le devient quand c’est répétitif, donc c’est pour cette raison que j’aime la variété dans ma saison. Je ne fais pas que la même chose. Et je change aussi de lieu d’entraînement car c’est dérivatif aussi.

Mais pour revenir à la question, ce sont les différents objectifs que tu te donnes qui font que tu vas être amené à varier tes entraînements, et tu vas de ce fait te donner d’autres lieux d’entraînements pour varier et attiser cette motivation.

Vous êtes également Championne d’Europe de country-cross en 2013 et Championne de France de cross en 2018 à Plouay. Comment réussit-on à passer d’une discipline à l’autre ?

En fait, on se concentre un peu plus sur les exigences de la discipline. Tu fais plus de spécifique cross. Après c’est aussi une capacité physiologique que j’ai. Si je fais du 3000m steeple, à un moment donné, ce n’est pas anodin. C’est que j’aime les ralentissements, les freinages comme il y en a en cross. Et puis comme je l’ai dit, je suis quelqu’un qui s’adapte bien au terrain, et j’ai de la force dans les jambes.

Quel a été l’élément déclencheur de porter votre choix sur le cross à présent ? Qu’est-ce qui vous plait dans cette discipline ?

L’élément déclencheur, c’est vraiment tout simple, c’est que j’avais changé d’entraîneur en 2013 et qui était un anglais. Et le cross-country c’est la Bible, c’est leur discipline l’hiver, tout le monde fait du cross. Et donc on avait un groupe d’entraînement où l’on faisait beaucoup beaucoup de sorties natures. C’est vraiment ça qui a été l’élément déclencheur.

Quelles sont les difficultés que l’on rencontre lors d’un cross en compétition ?

Les difficultés, c’est que tu ne sais jamais si tu vas courir dans la boue, s’il pleut ou qu’il vente vu que c’est un sport d’extérieur. Et en fonction en fait du terrain, ça correspond plus à l’un qu’à l’autre au niveau de la foulée. Donc ça c’est la difficulté numéro un du cross-country.

Après, les autres difficultés, c’est que tu peux être dans un jour sans. Et ça c’est comme dans tous les autres sports d’endurance. Et à ce moment-là tu prends tarif comme on dit parce que tu n’es pas prêt le Jour J.

L’énergie dépensée au cours d’un cross est-elle différente de celle dépensée pour un steeple, un semi ou un marathon ?

En fait ça dépend. Sur le cross long, huit kilomètres, l’effort correspond à un dix kilomètres. On retrouve quelques types d’effort sur le 3000m steeple comme je le disais. En fait, il y a un point commun à tout, c’est que l’on est sur des disciplines d’endurance mais le terrain fait que c’est différent. Là tu as un sol en herbe alors que les autres c’est sur de la piste ou de la route.  Donc forcément que ça, ça ne convient pas à tout le monde.

Aujourd’hui vous êtes entrainée par Jean-Claude Vollmer. Pouvez-vous nous présenter votre entraîneur ? Que vous apporte-t-il sur le plan personnel ? Et sur le plan sportif ?

J’aimerai parler des trois entraîneurs que j’ai connus et de ce qu’ils m’ont apporté.

Aujourd’hui, c’est la grande connaissance du running en général. Tant par les compétences que ce soit par rapport à de la technique de course, à des exercices très spécifiques de renforcement qui servent énormément dans l’endurance. Parce qu’on croit que pour être bon en course il faut courir alors que c’est faux !

Ils m’ont apporté aussi le mental. Là je pense à David Heath. Par rapport à l’hypnose et puis de courir en groupe. Tout ce qui est de l’apprentissage d’aller au bout de ses limites.

Et aujourd’hui, concernant Jean-Claude, c’est l’expertise de l’entraînement, de l’adaptabilité de l’entraînement en fonction des périodes et dans la planification de l’entraînement. Donc en fait, je crois que j’ai eu les meilleurs entraîneurs en demi-fond et en fond. Et qui plus est venant de différents secteurs : l’école britannique avec David Heath et Jean-Claude Vollmer qui est le ponte de l’expertise en entraînement en France. Il a analysé énormément d’entraînements au niveau mondial depuis des années. Donc il m’a apporté une expertise complète dans l’entraînement.

Vous êtes une vraie passionnée du running. Quel message aimeriez-vous passer pour inciter les gens à se mettre à la course à pied ?

Moi, j’ai créé la « Running Expérience » depuis peu. C’est un concept de coaching en ligne et avec des offres de stages. Pourquoi « Running Experience » ? Pourquoi ce concept ? Et quel message ? En fait j’ai créé « Running Experience » car je me suis dit qu’aujourd’hui, les gens cherchent de l’émotion à travers ce qu’ils font. Et donc le but c’est de mettre à profit mon expérience et mon expertise à leur service en fonction de leur objectif.

Il y a des gens qui ne voudront jamais mettre de dossards, mais ils veulent courir pour eux. Et pour leur bien-être. Donc moi, mon objectif, c’est, pour ces gens-là, d’adapter ma pratique et de leur donner des rudiments pour ne pas qu’ils se blessent, pour qu’ils fassent les choses bien. Avec mon DU de nutrition, c’est aussi faire passer des messages sur l’alimentation.

Et après, il y a des gens qui sont plus dans la performance. Et donc mon but là, à travers le e-coaching, c’est de leur donner des plans d’entraînement, des planifications ou des stages aussi comme la « Running Expérience » qui mélange les gens qui veulent aller chercher des temps ou des gens qui veulent apprendre à se perfectionner.

Et le message que je dis aujourd’hui, c’est qu’en fait le running est le sport le plus facile à faire. Si c’est de manière auto organisé, c’est peut-être le moins cher si on reste sur des basiques.

Le sport, c’est la santé. C’est à dire qu’aujourd’hui, il faudrait faire de l’activité physique régulière, raisonnable et raisonnée soit trente minutes cinq fois par semaine. Au minimum. Plus une alimentation saine.

Le sport, c’est la vie. Et aujourd’hui, on est sur un message de bien-être, de bien-vivre. Pour moi, notre pratique doit être accessible. Et moi j’ai envie de la rendre accessible, via « Running Experience ». Bien sûr qu’on ne peut pas convaincre quelqu’un de courir mais j’ai beaucoup de personnes qui étaient anti course à pied qui sont devenus des drogués de courses à pied. Et pour moi, ça, ce sont des sources de réussite. Parce que finalement tu leur apportes du bien-être et du bien-vivre.

Après il y aussi la marche rapide qui est, en fonction de l’âge et des problèmes, vraiment top.

En 2018, vous avez disputée le Semi-marathon aux championnats du monde à Valence en Espagne. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent passer le cap des 10km pour se tester sur un semi-marathon ?

De ne surtout pas planifier ça du jour au lendemain. Il faut en effet commencer par un dix kilomètres avant d’envisager de se mettre au semi. Il faut être mesuré en termes de chrono. Il ne faut pas viser trop haut. Et d’être raisonnable par rapport à ce qu’on a fait sur dix kilomètres.

Et ensuite il faut être capable quand même d’être régulier dans l’entraînement et de faire un minimum de semaines avant de préparer un semi. Faire un semi-marathon sans s’arrêter, faire un dix kilomètres sans s’arrêter, faire un marathon sans s’arrêter, déjà c’est un pas.

Et puis après aller choisir un chrono, aller chercher un peu ses limites, c’est un autre cas.

Que peut-on vous souhaiter à présent ? Quels sont vos prochains objectifs ?

Mon objectif ce sont les Championnats d’Europe à Paris en 2020 sur 5000 et 10 000. Et plus si affinités. Il y a aussi les Championnats de France de cross à Mautauban en 2020.

A court terme, il y a le dix kilomètres des championnats de France au mois d’Octobre. Et j’ai les Jeux mondiaux militaires en Chine fin octobre sur 5000m. Donc ça, ça sera un bon test pour moi.

Propos recueillis par Alexandre HOMAR.

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