Photo en Une délivrée par l’athlète.
Sacrée Championne d’Europe en deux de couple avec sa coéquipière Elodie Ravera-Scaramozzino en 2018, Hélène Lefebvre nous emmène tout au long de cet entretien à la découverte de son sport : l’aviron. L’occasion pour elle de revenir aussi sur ses débuts, son parcours avec l’Équipe de France, son titre de championne d’Europe en 2018 et le binôme qu’elle forme avec sa partenaire Elodie Ravera-Scaramozzino ou encore sa participation aux Jeux Olympiques en 2016 à Rio. Un entretien enfin où elle nous explique comment elle fait pour concilier sport et confinement. Rencontre.
Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’aviron ?
J’ai commencé à l’âge de 13-14 ans. J’ai commencé quand j’étais avec l’UNSS par le biais de mon collège.
C’était ma professeure d’EPS de l’époque qui m’avait repérée et qui m’avait demandé si ça m’intéressait de faire ce sport, de le tester. Et puis en fait j’ai bien accroché. Donc c’est comme ça que cela a commencé, au collège.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?
Au début, ce que j’ai bien aimé, c’était surtout l’ambiance du club. Être avec les copains, les copines. Il y avait une certaine ambiance, atmosphère, qui faisait que c’était très sympa de se retrouver là au moins une fois par semaine autour du bateau, être dehors.
Moi, je suis quelqu’un qui vient du judo. Je suis une judokate à la base. J’avais l’habitude des tatamis. J’avais commencé à l’âge de six ans et arrêté ensuite à 20 ans. Et l’aviron me changeait complètement de ce que je connaissais d’avant.
Au début, on ne s’inscrit pas à l’aviron pour son côté ludique. On s’inscrit parce qu’on aime bien l’ambiance, les amis qui nous côtoient, le club dans lequel on a commencé. C’est vraiment ça qui m’a vraiment plu au départ : l’ambiance. Et le fait qu’on soit un sport d’extérieur. Et je l’apprécie toujours autant.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’aviron, pouvez-vous nous présenter votre discipline ?
L’aviron, à ne pas confondre avec le kayak, est un sport de glisse. Au même titre que le ski de fond par exemple. Donc on glisse sur l’eau. Le bateau se déplace à l’aide de rames. La particularité de l’aviron, c’est que l’on peut être tout seul, à deux, à quatre, ou à huit.
Donc c’est un sport à la fois individuel mais aussi collectif. On est tous alignés dans une ligne d’eau et le but c’est de parcourir une certaine distance et de passer la ligne d’arrivée en premier. On est complètement un sport complet. On se déplace avec l’aide des jambes, des bras et du dos.
Donc c’est un sport très complet qui sollicite tous les membres musculaires. Et est on est sur un sport moitié endurance, moitié sprint. On n’est pas assez long pour être un sport d’endurance considéré comme le marathon par exemple. Mais ce n’est pas du sprint non plus comme le 100 mètres. On a un effort qui se mesure entre cinq minutes 30 et 7 minutes 30 selon les embarcations. C’est quand même suffisamment long.
L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?
Ça c’est quelque chose que j’ai toujours eu en moi. Même quand j’étais jeune je faisais déjà de la compétition à six ans au judo. C’est quelque chose que j’ai toujours eu en moi. Et pourtant je ne viens pas du tout d’une famille de sportifs. Je suis la seule de ma famille à pratiquer du sport régulièrement on va dire, mais en plus à haut niveau. Donc c’est vraiment quelque chose que j’ai toujours eu en moi dès le plus jeune âge.
De toute façon, l’esprit de compétition, il ne s’inculque pas. Je pense que c’est : on l’a ou on ne l’a pas. Ça fait un peu partie de notre trait de caractère, il ne s’invente pas. Et moi j’ai toujours eu ça. En compétition, j’ai toujours aimé gagner, je n’ai jamais lâché.
A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnelle ?
Ça vient au fur et à mesure du temps. Un moment vers l’âge de 18-20 ans, à ce moment-là j’avais commencé mes débuts en junior en équipe de France junior d’aviron. Et je faisais encore du judo entre 18 et 20 ans.
À un moment s’est posé la question : est-ce que je continue d’évoluer dans le judo et je mets de coté l’aviron ? Et inversement. Je sentais que j’avais une marge beaucoup plus importante de progression en aviron qu’en judo. C’est pour ça que j’ai décidé de me concentrer essentiellement sur ce sport-là.
Et au fur et à mesure des années, on en veut toujours plus. On sent qu’on progresse, qu’on va plus vite et on cherche encore plus encore plus encore plus. On ne réalise pas qu’on peut être pro. Et en plus chez nous on n’est pas professionnel on est vraiment amateur. On n’est pas du tout en sport où l’on gagne de l’argent. Même si vous êtes champion du monde, vous n’avez rien.
On n’est pas dans un milieu professionnel. En tout cas j’ai su que j’avais peut-être le niveau des Jeux quand après des années des années d’efforts on se dit pourquoi pas, on n’est pas si loin. La marche n’est pas si grande que ça. Il y a vraiment possibilité. Ça ne vient pas d’un déclic mais au fur et à mesure des années.
En quelle année avez-vous connu votre première sélection avec l’Équipe de France ?
Alors chez les juniors c’était en 2008. Et 2010 pour ma première année chez les seniors.
Quelle est votre plus belle victoire avec l’Équipe de France ?
Il y en a eu pas mal (rire) !
Il y en a eu vraiment beaucoup, mais celle qui symbolise vraiment beaucoup pour nous c’était en 2015. Les Championnats du Monde l’année avant les Jeux. C’était les Championnats du Monde qualificatifs pour les Jeux. Donc on qualifie l’embarquement. Et il fallait terminer dans les onze premières. Et la dernière course qu’on réalise, celle qui nous qualifie, tient un peu du surréalisme. Dans le sens où nous, notre distance de course c’est 2000 mètres.
Sur le début du parcours, je pense que personne n’aurait misé sur nous parce qu’on était loin. Et sur la deuxième partie du parcours on a eu un sursaut d’orgueil pour terminer finalement à la huitième place. On se qualifie pour les Jeux. Et là on comprend en passant la ligne d’arrivée qu’on va aller aux Jeux ! Et là c’était un rêve qui devenait réalité. C’était une explosion de joie.
Une récompense de tous les entraînements et les efforts qu’on avait fait avec ma coéquipière Élodie et notre entraîneure Christine. C’était vraiment un super moment et qui restera gravé dans notre parcours, dans notre trio, dans notre carrière sportive.
En 2018, vous devenez championne d’Europe du deux de couple avec Elodie Ravera-Scaramozzino à Glasgow. Comment avez-vous construit ce sacre ?
Alors nous, tous les ans en aviron, on a des Championnats d’Europe et des Championnats du monde. Nous l’objectif final vraiment de la saison c’était les championnats du monde qui étaientt un mois après les championnats d’Europe. Les championnats d’Europe on les avait préparés comme une coupe du monde habituelle, donc avec un stage avant, une préparation. Ça faisait partie de notre calendrier et de notre planning d’entraînement.
Pour ne rien cacher nous on voulait vraiment réussir aux mondiaux. C’était vraiment l’essentiel. Et on s’est retrouvé à faire une bonne performance au championnat d’Europe. Alors que la préparation n’avait pas été optimum en plus à cause d’un petit soucis logistique. Et finalement ça s’est bien passé. On s’est retrouvé à être en forme. On s’est retrouvé à bien ramer ensemble. Et c’est ce qui a fait que cela à bien marché.
Malheureusement on sait que le sport de niveau ce n’est pas toujours linéaire. C’est plus compliqué de rester au top que d’arriver au top. Et la preuve parce qu’un mois après les Europe, aux mondiaux on passe complètement à côté de nos mondiaux. Pour terminer à une 12eme place très très très décevante. Donc on était content de ce sacre c’est sûr. Mais on a été vite rattrapées par notre irrégularité de la saison sur les championnats du monde après.
Mais ça reste quand même un super moment. C’est quelque chose qui restera comme une superbe victoire, une superbe course avec Élodie. Mais c’est marrant parce que parfois on fait des superbes préparations, qui se passent hyper bien, et finalement la compétition n’est pas celle qu’on attendait. Et à l’inverse c’est parfois les préparations les plus compliquées ou qui ont le plus d’aléas qui finalement parfois amènent aux plus beaux résultats (rire).
Comment décrieriez-vous votre duo ? Vous étiez complémentaires ?
Oui complètement.
Nous : les contraires s’attirent, c’est exactement ça. On est deux personnalités totalement différentes, on a des qualités différentes, on raisonne aussi différemment. Mais paradoxalement on est vraiment sur la même longueur d’onde. On est comme un petit couple. On sait exactement ce dont l’autre a besoin, comment il fonctionne, comment il raisonne. Ça on l’accepte et on fait de nos différences une force aussi.
Elle, elle va être très forte pour imposer le rythme d’un bateau, pour comprendre ce qu’il se passe exactement en course, la stratégie. Elle va vraiment être un vrai métronome et qui va être très facile de suivre.
Et moi je vais avoir la qualité derrière d’être capable de la suivre et de m’adapter à son geste de manière le plus optimum possible.
C’est un duo qui marche très très bien. Maintenant ça fait hyper longtemps qu’on se connaît. On se connaît par cœur. Nous sommes vraiment complémentaires.
Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer en compétition dans cette spécialité ?
C’est un peu le même problème que vont rencontrer tous les bateaux qui sont à plusieurs rameurs. Je parle du double, du quatre ou du huit. Toute la difficulté c’est que plus vous mettez de personnes dans le bateau, plus vous rajoutez de l’incertitude. C’est-à-dire qu’il faut que tous les rameurs ou rameuses soient en forme en même temps. Qu’ils arrivent à se synchroniser, que le feeling passe bien. Que la glisse du bateau se fasse ensemble. Donc plus vous rajoutez de personnes plus ce sont des difficultés qui peuvent se rajouter au final.
Donc le souci qu’on peut rencontrer avec Élodie, et sûr ce qu’on a déjà pu pêcher sur ça d’autres années, c’est déjà de ne pas arriver en forme physique toutes les deux au même moment. Parce qu’on est deux personnes différentes donc on va agir de deux manières différentes à un point d’entraînement, à une situation. Donc il faut bien être bien vigilante là-dessus. Il faut arriver en forme.
Et ensuite derrière, mais ça c’est plus aussi mon job, il faut être capable sur le moment, sur cette compétition, par exemple comme les mondiaux vont durer une semaine, il va y avoir trois, quatre courses, il faudra être capable de se donner à 100% sur les quatre courses et d’être en symbiose totale sur toutes ces courses. Et pas justement sur une seule.
Quel est votre principale stratégie avant de prendre le départ d’une course ?
La stratégie c’est de partir à fond. De continuer à fond. Et de finir à fond ! (Rires)
C’est toujours d’être à fond tout le temps. Il n’y a pas vraiment de stratégie. Ce qui est intéressant, on finit par bien connaître les bateaux qui nous entourent des autres nations. On finit par savoir quelles sont leurs points forts, leurs petites faiblesses. Donc ça nous permet un peu en course de jauger, de savoir où on en est.
Donc il n’y a pas vraiment de stratégie imposée. Nous notre qualité c’est qu’on est très forte sur le sprint final. Notre faiblesse un peu, c’est au milieu du parcours de laisser trop d’espaces à nos adversaires. Le problème c’est que vous pouvez finir très fort, mais si les autres sont partis trop forts, vous n’arriverez jamais à les rattraper.
Nous notre stratégie si je peux dire, c’est de rester au contact des nations les plus longtemps possible sans être forcément première et pour ensuite au sprint final dépasser tout le monde.
Combien d’heures passez-vous à l’entraînement ? Pouvez-vous nous décrire à quoi ressemblent vos entraînements ?
Par semaine on est entre 18 et 20 heures hebdomadaire effective. C’est-à-dire au moment où l’on déclenche le cardio. Tous les matins on va être sur l’eau. Ça va être à base de 20 km tous les matins. Il va y avoir deux séances de musculation dans la semaine. Deux séances d’ergo. Du footing. Les après-midis sont plutôt privilégiés pour avoir d’autres activités.
Autre gros moment de votre carrière, les Jeux Olympiques de Rio en 2016. Comment avez-vous vécu ces Jeux de l’intérieur ?
C’était une superbe expérience ! Vous imaginez bien… (Rires)
Je regardais les JO à la télé mais je n’avais jamais pensé pouvoir un jour y participer ! Quand on y est c’est comme un rêve !
Nous on l’a vécu pleinement avec Élodie, sans retenu. On a pris un grand plaisir de courir là-bas. Même si bien sûr c’était stressant, c’était un événement qui ne ressemble à rien d’autre. En plus on finit sur une superbe note, on finit finaliste. Alors que notre bateau venait d’être constitué à peine un an avant. C’était inespéré. C’était une énorme fête. On l’avait pleinement.
Au cours de ces Jeux Olympiques, vous hisserez jusqu’en finale. Toujours en deux de couple. Quel bilan feriez-vous de ces Jeux ?
Il n’y a pas de leader dans la catégorie dans laquelle on se trouve. Tout le monde peut prétendre à une victoire, a une médaille. C’est tellement serré, ça ne se joue à rien. Toutes les courses des jeux il fallait être régulières. Il fallait passer toutes les étapes, on l’a fait. Mais ce n’était pas du tout quelque chose d’évident.
L’objectif c’est vraiment de passer en finale, la médaille aurait été la cerise sur le gâteau. Après coup on s’est quand même rendu du compte qu’il nous manquait un petit peu pour être médaillées. Mais pourquoi pas, ça aurait pu le faire. Mais on était vraiment super heureuse. On est reparti en ayant rempli le contrat, nos objectifs. Et après derrière on a profité de la fête ! (Rire)
Vous êtes également membre de la Commission des Athlètes au CNOSF. Tout d’abord, en quoi cela consiste ?
On est des porte-parole des athlètes des différentes fédérations olympique. Notre but c’est d’élever nos voix sur l’intérêt général des sportifs. Aussi bien sur des domaines comme la reconversion, les études et de faire remonter toutes ces infos là ou des questionnements que les athlètes pourraient se poser au niveau du CNOSF.
Aujourd’hui, le Covid-19 frappe de plein fouet le monde entier. Ce qui nécessite un confinement de la population et l’arrêt de toutes les compétitions sportives notamment. Comment vous entretenez-vous physiquement pour garder un minimum de rythme ?
Moi j’ai transformé mon garage en salle de musculation. On avait aussi anticipé le confinement donc j’ai réussi à avoir un rameur et une autre machine. Ça me permet de varier mon entraînement. J’ai la capacité chez-moi de pouvoir m’entraîner de manière très très correcte. J’ai un jardin. J’ai aussi du matériel de prépa physique.
J’ai transformé ma maison de la meilleure manière possible pour que je puisse m’entraîner dans de bonnes conditions. Et que ce soit relativement variés.
C’est une situation tout à fait inédite pour vous les athlètes. Y a-t-il une crainte de perdre en compétitivité à la sortie du confinement ?
Moi ce qui me fait peur ce n’est pas tellement l’aspect physique. Je sais qu’avec la manière dont je m’entraîne et avec les outils que j’ai je sais que je peux m’entraîner de manière très très correcte.
La seule question est de savoir dans quel état psychologique on va se retrouver… Est-ce qu’on va se retrouver complètement rincé ? Fatigué ? Lassé de l’entraînement ? Je ne peux pas prédire ce qui va se passer. Mais je pense que pour tout le monde c’est sur on ne vas pas tous en ressortir indemne.
On sera tous très contents de sortir mais je pense qu’il y aura aussi une fatigue un peu mentale et nerveuse pour tout le monde qui sera c’est sûr évidente. Le but c’est de limiter cette fatigue-là. Et pour ça on varie l’entraînement et on va redoubler d’ingéniosité.
Disputer les Jeux Olympiques en 2021 est votre prochain grand objectif ?
Oui c’est sûr c’est le prochain objectif. C’est le plus gros à long terme parce que là on parle d’un objectif dans plusieurs mois.
Nous en aviron, on va sans doute avoir un Championnat d’Europe organisé en automne 2020 pour clôturer la saison. En championnat d’Europe, ok ce n’est pas un championnat du monde, mais c’est quand même un événement important.
Où on aura à cœur avec Élodie d’aller pourquoi pas redécrocher un deuxième titre. Donc on va le faire sérieusement on va être motivées. Maintenant reste à savoir à quelle date… Donc pour l’instant notre prochain grand objectif c’est le championnat d’Europe.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR