Sacrée cinq fois Championne du Monde en karaté et deux fois championne d’Europe, Alexandra Recchia nous emmène tout au long de cet entretien à la découverte de son sport : le karaté. L’occasion pour elle de revenir aussi sur ses débuts, son parcours avec l’Équipe de France et son incroyable palmarès qu’elle a pu se constituer depuis qu’elle a débuté sa carrière. Un entretien enfin où Alexandra Recchia nous explique comment elle fait pour concilier sport et confinement. Rencontre.
Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé le karaté ?
J’ai commencé le karaté à cinq ans et demi.
Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?
Alors c’est plus mes parents qui ont choisi pour moi, parce qu’à cinq ans et demi, je ne savais pas vraiment ce que je voulais. (Rires)
En fait j’étais souvent la plus petite à l’école et je me faisais souvent embêter. J’avais un fort caractère ce qui faisait que la première fois je disais stop. Et la deuxième fois je frappais. Donc mes parents se sont dit : elle est combative, elle a du répondant. Donc on va la mettre aux arts martiaux.
Mes parents aimaient ce sport aussi donc ils ont pensé de suite au karaté.
Vous souvenez-vous du club de vos débuts ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
Mon premier club, c’était un club très très familial. J’y suis restée pendant huit ans. J’en garde un excellent souvenir. Mon premier professeur, c’était comme un deuxième papa. J’y retourne une fois par an à peu près pour saluer tout le monde et prendre des nouvelles. J’ai beaucoup d’affection pour mon premier club et ces personnes.
Y at-il un professeur qui vous a marqué particulièrement ?
Pour moi, je n’ai eu qu’un seul professeur. C’est mon tout premier, parce que c’est lui qui m’a tout appris.
Après, j’ai eu des entraîneurs. Moi je fais la différence entre les professeurs et les entraîneurs. Les professeurs, se sont vraiment ceux qui t’enseignent la discipline. Et les entraîneurs ce sont ceux qui te perfectionnent.
Mon premier professeur, ça a été quelqu’un d’une pédagogie extraordinaire. Et humaine aussi. C’est une personne que j’affectionne beaucoup.
A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnelle ?
Alors il faut savoir qu’au karaté nous ne sommes pas professionnels. On n’est pas payés pour ça.
Mes parents, mes partenaires d’entraînement et le staff d’entraînement ont compris rapidement que j’avais du talent, que j’avais des capacités. Dès le début. Parce que j’étais quelqu’un de très sérieuse, je progressais très rapidement, j’intégrais vite les corrections qu’on me donnait. Donc ils ont compris rapidement que j’étais un peu spéciale.
Après, là où j’ai su que je voulais devenir championne, c’est quand j’ai découvert à quatorze ans qu’il y avait une Équipe de France. Là j’ai su que je voulais être en Équipe de France, que je voulais être championne d’Europe, championne du monde, que je voulais tout gagner.
Que vous procure la pratique du karaté ? Par quelles sensations êtes-vous traversée au cours de vos différents entraînements ?
Alors je dirais déjà la culture de l’effort. Parce que c’est un sport qui est très cardio.
Après, les sensations que je ressens c’est de la fierté. Parce que quand on prend le dessus, sur un garçon ou sur une fille, qui est plus grande, forcément ça fait quelque chose.
Après, c’est un sport d’opposition donc on a forcément envie de prendre le dessus sur son adversaire. Donc oui je dirai de la fierté et de l’inspiration.
L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?
J’ai toujours eu l’esprit de compétition. Je voulais toujours tout gagner. Les jeux de sociétés, dès que je perdais, j’envoyais valser le plateau de jeu. (Rires)
Ça, c’est inné.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre discipline le karaté ?
Alors moi je fais du combat. Il y a une partie très technique où il faut exécuter un enchaînement qui est codifié, avec un certain rythme, une certaine vitesse, une certaine puissance.
Et de l’autre côté, il y a les combats. Où l’objectif, c’est de marquer avant son adversaire. Et de marquer le plus de points que lui pour remporter le combat à la fin à l’issue d’un chrono de trois minutes.
Comment se déroule un combat ?
Il y a un arbitre, qui lance le combat, et qui l’arrête à chaque fois qu’il y a des points marqués.
Quelles sont les exigences de cette discipline ?
Je pense que, comme toutes disciplines de haut niveau, c’est de la rigueur, la culture de l’effort, l’obsession de la perfection et de toujours vouloir mieux faire.
Dans quels domaines avez-vous l’impression de pouvoir encore progresser ?
Je pense qu’on n’atteint jamais la perfection. Quel que soit le niveau, on est toujours à la recherche du mieux. Encore aujourd’hui je fais des corrections techniques sur des mouvements que je fais depuis vingt ans.
Qu’est ce qui fait aujourd’hui votre principale force ?
Ma capacité à me remettre en question je pense. Et engranger une grosse quantité d’entraînements.
En 2002 vous décrochez votre première victoire en Championnat de France dans la catégorie minime en écrasant la finale 10 points à 1. C’était important pour vous de marquer les esprits dès les plus jeunes catégories d’âge ? Vous aviez à cœur de vous démarquer très vite des autres ?
Ce n’est pas forcément dès les jeunes catégories d’âge, quand on a douze ans, on ne pense pas forcément sur le long terme.
Mais oui, si moi j’avais la possibilité de gagner, d’écraser mon adversaire, j’y prenais du plaisir.
Depuis le début de votre carrière, vous allez vous construire un incroyable palmarès avec 5 titres de championne du monde, le premier remporté en 2010. Vous allez aussi gagner 2 championnats d’Europe. Comment avez-vous construit tout ça ?
Déjà j’avais un esprit de compétition et une soif de victoire, j’avais toujours envie de plus, de gagner le titre de plus pour toujours être la meilleure. Et après, je pense que j’avais un super staff et un entourage qui m’a aidée à tenir le coup dans les moments un peu plus difficiles. Parce qu’il y en eu aussi.
Vous saviez que devenir Championne du Monde était à votre portée ?
Bien-sûr !
Après, si on n’a pas la foi dans son projet, si son objectif ne paraît pas réalisable, ça ne sert à rien d’y aller ! L’important c’est de se fixer un objectif et de voir sur le long terme.
Je pense qu’un objectif on ne peut pas l’atteindre en deux mois, trois mois. Ce n’est pas possible. Donc il faut être capable de se dire qu’il y a des étapes pour y arriver. Et moi finalement, mon premier titre Mondial en individuel, je l’ai eu tard. Mais j’ai fait preuve de patience. Et surtout d’abnégation sur le tatami au niveau des entraînements. J’étais persuadée que j’allais y arriver un jour. Ça c’était sûr. Après, quand ? je ne le savais pas…
Comment, au fur et à mesure des années, arrive-t-on à se renouveler psychologiquement et mentalement ?
Parce que finalement, ce qu’on fait, on aime ! Moi personnellement j’aime sortir des séances complétement lessivée, avec plus d’énergie, plus de jambes, plus de cardio. Je pense qu’à un moment donné, quand on est sportif de haut niveau, on aime se faire mal, on aime dépasser les limites tout le temps. Du coup, on n’est jamais rassasié de ça.
Qu’est-ce que ça représente pour vous de porter les couleurs de l’Équipe de France lors d’un Championnat du Monde ou d’Europe ?
C’est une fierté. C’est aussi une chance. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de gens qui rêverait d’être à notre place. C’est une chance certes qu’on a construite et qu’on a saisie, mais il faut aussi faire honneur à l’opportunité qui nous a été donnée.
Et l’envie de bien faire pour représenter son pays et le remercier pour tout ce qu’il nous a donné.
Quelle a été votre plus belle victoire sous les couleurs de l’Équipe de France ?
Bercy en 2012 ! C’est un souvenir indescriptible dans le sens où il y avait 15 000 personnes qui étaient là, qui criaient mon nom. C’était assez inédit dans ma discipline. Et c’était très très très fort en émotion. Vraiment. Entre la joie de gagner, la fierté de partager ça avec autant de personnes, avec les proches qui étaient là également. Tous ces souvenirs d’échecs, se dire que ça y est, on y est arrivé après toutes ces années, et toutes ces périodes de doutes et de difficultés. C’est un gros soulagement et une grosse fierté.
Derrière chaque grand athlète se cache en général un entraîneur. Que vous apporte votre entraîneur au quotidien sur le plan personnel et sur le plan sportif ?
Sur le plan sportif, forcément il me soutient dans mon idée de recherche de la perfection. Quand ça ne va pas, c’est un soutien moral. Ça permet de rester debout, même dans les moments difficiles.
Et sur le plan personnel, il y a le coté humain. Le côté humain est aussi important pour moi. Partager des moments simples et conviviaux, c’est important pour construire une belle relation entraîneur-entraînée.
Aujourd’hui, le Covid-19 frappe de plein fouet le monde entier. Ce qui nécessite un confinement de la population et l’arrêt de toutes les compétitions sportives notamment. Comment vous entretenez-vous physiquement pour garder un minimum de rythme ?
Moi, finalement, mon entraînement, il n’a pas changé parce que je m’entraîne à la maison. C’est toujours aussi difficile et intense ! Là j’arrive à trois semaines d’entraînement je suis épuisée ! (Rires)
J’ai eu la chance en fait que la boutique Budofight me fournisse des tatamis. Du coup je peux m’entraîner en karaté avec des conditions plutôt favorable.
Et au niveau musculation, j’ai également reçu du matériel. Donc j’arrive à m’entretenir physiquement et au niveau cardio sans soucis.
Quels conseils donneriez-vous aux gens qui souhaiteriez faire du sport chez eux ? Quels exercices faciles à faire conseilleriez-vous ?
Ça dépend si ça a une vocation plutôt musculaire ou plutôt cardio. Après je pense qu’aujourd’hui notre avantage c’est les réseaux sociaux. Et si les gens ont envie de prendre en main et de faire un quart d’heure, une demi-heure ou trois quart d’heure de sport par jour, il suffit d’aller sur les réseaux sociaux, de suivre des sportifs de haut niveau et de suivre un petit peu leur routine.
Moi j’essaye de proposer une à deux fois par semaine des exercices que tout le monde peut faire, sans matériel ou avec du matériel de maison : un manche à balais, un sac à dos, des briques de lait, des bouteilles d’eau et hop on s’adapte. Il y a toujours le moyen de s’entraîner.
Et après en cardio il y a des circuits qui permettent de s’entretenir physiquement. Donc c’est faisable. Après c’est juste une question de motivation.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR.