Photo en Une délivrée par l’athlète.
Vice-championne du monde en individuelle l’année dernière, l’escrimeuse française Pauline Ranvier revient tout au long de cet entretien sur son parcours depuis qu’elle a débuté sa carrière : ses débuts, l’Équipe de France et ces deux médailles de bronze décrochées par équipe dès sa première année en 2015, son titre de vice-championne du monde obtenu l’année dernière. Une interview dans laquelle Pauline Ranvier nous emmène à la découverte de sa spécialité, le fleuret et nous parle également de son choix de s’engager au sein de l’armée. Un entretien où elle évoque enfin comment elle fait pour concilier sport et confinement. Rencontre.
Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’escrime ?
J’ai commencé l’escrime vers l’âge de neuf ans.
Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?
En fait c’était un peu par hasard. En fait quand j’étais à l’école, il y avait des ateliers après les cours comme les échecs, le théâtre etc… Et il y avait escrime. Ma mère m’a demandée ce que je voulais faire. Et à l’époque j’aimais bien Zorro. Donc je lui ai dit de m’inscrire à l’escrime.Et puis ça m’a vraiment plu, j’ai bien accroché ! (Rires)
Aujourd’hui vous vous entraînez au sein de l’INSEP. Quel regard portez-vous sur cette structure assez impressionnante ?
La première fois que j’y suis allée, c’était le paradis ! C’est exactement ce qui correspond à chaque athlète de haut niveau.
L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?
Il a toujours été en moi, dans n’importe quoi : ça peut-être dans un jeu de société par exemple. Dès qu’il y a une notion de victoire et de défaite, vous pouvez être sûr qu’il y aura la compétition qui entrera en jeu ! (Rires)
A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnelle ?
Alors professionnelle dans l’escrime, c’est assez compliqué. En fait, je n’ai jamais vraiment compris parce que j’ai toujours voulu gagner.
Dans les catégories jeunes, j’ai rapidement été performante. Et une fois que vous êtes performante dans les catégories jeunes, on vous envoie sur d’autres compétitions à l’internationale. Et c’est un effet boule de neige. Mais je ne me suis pas dit : « je veux vivre de ça. »
Et après, si je pouvais en vivre ça serait top. Mais aujourd’hui c’est compliqué. On a quand même un double projet parce qu’on ne gagne pas des millions comme les footballeurs. Donc dans tous les cas on doit s‘assurer un double projet pour notre avenir professionnel.
Votre spécialité c’est le fleuret. Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste cette discipline ?
Le fleuret c’est une arme d’estoc. Donc ça veut dire que comme à l’épée, on touche avec la pointe. A l’inverse du sabre où l’on touche avec le tranchant. La surface valable c’est la plus petite des trois armes : c’est le tronc. Donc on a une veste sans manche donc on ne peut toucher que le buste et le dos. Et c’est assez complexe au niveau des points parce que ce n’est pas seulement le premier qui touche c’est une question de priorité. Donc pour avoir la priorité, il faut attaquer. Et quand on est attaqué, il faut mettre en échec l’attaque de l’autre pour reprendre la priorité. Donc là-dessus c’est assez complexe à comprendre. C’est une arme assez réfléchie où il faut mettre des tactiques en place ?
Quels sont vos principales qualités en tant que fleurettiste ?
Moi, ma première qualité, c’est le combat. J’ai toujours été une grande combattante, c’est ce qui m’a toujours sauvée. Je ne lâche rien et c’est ce qui me permets de gagner des matchs.
Et j’ai également de bonnes capacités physiques. Ce qui me permets de trouver des solutions, parce que physiquement je sais que je peux enchaîner.
Et j’ai aussi un jeu assez original. Ce qui me permet d’avoir de nouvelles idées. J’essaye de mettre un peu de créativité dans mon jeu.
En 2015, vous rejoignez l’Équipe de France de fleuret. Et dès votre première année au sein de l’Équipe de France vous remportez deux médailles de bronze par équipe. Une aux championnats d’Europe et une autre aux championnats du monde. Tout d’abord quels souvenirs gardez-vous de ce moment ?
Déjà pour moi c’était une grande satisfaction de faire partie de l’Équipe de France sur ma première année senior. Et en plus être médaillée dès la première année…
Ça m’a donné envie d’en découdre encore plus. Et de m’imposer encore plus pour performer et continuer à rester dans cette équipe le plus longtemps possible.
C’était important pour vous de tout de suite vous affirmer au sein de cette Équipe de France et de ramener le plus vite possible des médailles ?
Oui bien-sûr parce qu’on veut toujours faire partie entière de l’équipe. Et être acteur et non spectateur. Donc oui c’était important et je sais que notre équipe était et est encore plus forte aujourd’hui. C’est important pour moi d’en faire partie et d’aider aussi aux médailles. Et de continuer à faire grandir cette équipe ensemble.
Aborder une compétition en équipe est-il différent que d’aborder une compétition en individuelle ? L’approche change ?
Oui bien-sûr. C’est une approche totalement différente autant physiquement que tactiquement, que mentalement. C’est très différent.
Lors de la saison 2018-2019, vous remportez les coupes du monde par équipe d’Alger, Katowice et de St Maur. Cela a dû être un gros moment dans votre carrière de remporter trois Coupes du Monde d’affilée ?
Oui, c’était surtout un moment historique ! Parce que le fleuret féminin ne l’avait encore jamais fait ! Donc faire partie de ces victoires et de ce moment historique, c’est une grande fierté pour nous. On a montré qu’on n’avait pas gagné une coupe du monde par hasard. On en a gagné trois d’affilée ! On a montré qu’on était capable de gagner. Donc ça donne énormément envie de continuer dans cette voie-là. Et de monter qu’on peut être présents sur les grands championnats et donc remporter un titre.
Quand on remporte trois Coupes du monde, on se dit que ça y est, les sacrifices payent enfin ?
Oui, on se dit que ça paye. Après on sait bien que ce ne sont qu’entre guillemet que des coupes du monde et que l’important ça reste quand même les Championnats et les Jeux. Donc maintenant on sait qu’on en est capable, on sait que c’est possible. Ça donne donc beaucoup d’envie et de motivation. Après, il faut continuer à travailler parce que les autres nations seront encore meilleures au jour des championnats. Et comme elles ont vu qu’on pouvait gagner, ça nous rend encore plus attaquables.
L’année dernière, vous êtes devenue vice-championne du monde au championnat du monde d’escrime à Budapest en individuelle. Quel bilan faites-vous de ce résultat ?
Alors j’ai fait une saison très mauvaise toute l’année. J’arrive aux championnats du monde presque sans rien en fait. Je n’avais plus d’envie, plus rien. Et en fait je me suis dit que maintenant que j’y étais, fallait que je profite à fond de l’événement. Que je m’amuse et que je donne le meilleur de moi-même. Et c’est là où j’ai fait la meilleure performance de ma carrière.
Ça a été une énorme satisfaction. Un accomplissement énorme aussi. Ça m’a vraiment donné beaucoup de satisfaction sur le travail que j’ai fait. Ça m’a donné envie de m’accrocher encore plus. De me dire que même quand tout va mal, je sais que l’escrime est là, que je peux sortir une grosse performance et battre beaucoup de personnes à ce moment-là.
Vous y pensez au titre de championne du monde ? C’est quelque chose qui vous motive au quotidien maintenant que vous avez décroché cette médaille ?
Oui et puis même avant. Quand on va aux championnats du monde ou aux Jeux Olympiques, c’est pour gagner. Alors évidemment que dans la tête de tous les sportifs, être championsdu monde ou d’être champion olympique, c’est quelque chose qui nous booste au quotidien. Bien-sûr qu’on y pense.
Alors là en plus, étant donné que j’étais à quelques touches du titre, quand bien même mon adversaire était plus forte que moi, je sais que c’est possible. C’est quelque chose qui n’était pas si loin. Je sais qu’il reste encore énormément de travail, et que la route sera encore longue mais on s’en rapproche petit à petit.
Quelles sont les principales difficultés que l’on peut rencontrer en compétition lorsqu’on pratique le fleuret ?
Les jours où l’on n’a pas de sensations, où mentalement l’on est un peu moins bien. Il y a énormément de facteurs qui sont complexes. Ça peut aussi être des difficultés tactiques où l’on n’arrive pas à trouver la bonne tactique.
Il y a vraiment énormément de facteurs qui peuvent nous nuire entre guillemets sur les compétitions.
Dans une carrière de sportive de haut niveau, le mental joue aussi beaucoup. Comment arrivez-vous à gérer votre stress avant le début d’une compétition ?
Alors ça fait maintenant deux ans que je vois une préparatrice mentale. Donc je fais pas mal d’exercices pour être prête, d’accepter le stress et de ne pas me le cacher ou ne pas un mettre un couvercle dessus.
Que vous apporte votre entraîneur actuel sur le plan personnel et sportif ?
Alors j’ai plusieurs entraîneurs. Chacun m’apporte des choses différentes. Je suis très proche d’eux parce que j’ai besoin aussi d’un vrai contact avec eux. Je n’aime pas avoir une relation seulement de « boulot » en fait. Donc j’ai besoin qu’ils me connaissent personnellement pour savoir comment je fonctionne, comment je suis quand je suis stressée, quand je suis bien, pas bien.
Ils m’apportent énormément de motivations parce qu’eux sont là pour m’aider et je sais qu’ils croient en moi donc ça m’apporte beaucoup de confiance et de motivation. Il y a une vraie relation de confiance qui s’établit entre nous.
Vous êtes également engagée dans l’armée, pourquoi ce choix ?
C’est la Fédération qui m’a proposée il y a maintenant deux ans l’armée des champions. C’est quelque chose qui m’a toujours attirée. C’est un super partenaire entre le sport et l’armée qui permet de nous aider financièrement, sur plusieurs années.
C’est un vrai lien de confiance et d’échange. Ils m’apportent leur soutien financier. Et moi j’essaye au mieux de représenter l’armée en faisant des résultats. Donc c’est quelque chose qui m’aide énormément au quotidien de m’entraîner sereinement en fait.
Un engagement qui a dû vous permettre d’apprendre beaucoup sur vous et sur vos limites non ?
Oui, bien-sûr. C’est quelque chose qui est très fort. Ça m’a permis de faire des championnats du monde et des Jeux mondiaux militaires où j’ai fini deuxième en plus. Ce sont des compétitions où il y a quand même un bon niveau parce qu’il y a pas mal d’escrimeurs qui sont dans l’armée à l’étranger. Donc c’est complétement bénéfiques pour nous athlètes.
Aujourd’hui, le Covid-19 frappe de plein fouet le monde entier. Ce qui nécessite un confinement de la population et l’arrêt de toutes les compétitions sportives notamment. Comment vous entretenez-vous physiquement pour garder un minimum de rythme ?
Avant que l’annonce du report des Jeux tombe, j’étais encore dans cette optique de performance et d’essayer de faire au mieux pour m’entraîner tous les jours. Depuis que le report des Jeux a été annoncé, j’ai relâché un peu au niveau de la performance. Et là, je suis surtout sur l’état de forme en fait.
J’ai un vélo d’appartement, plus du très bon matériel pour pouvoir m’entraîner. J’ai des poids, des élastiques pour continuer à me garder en forme. Je ne suis plus du tout dans un aspect de performance mais plutôt de rester en forme, de ne pas prendre de poids et de pas perdre trop de muscles.
Quels conseils donneriez-vous aux gens qui souhaiteriez faire du sport chez eux ? Quels exercices faciles à faire conseilleriez-vous ?
Alors quand on n’a pas de matériel du tout, on peut utiliser pas mal de choses. On peut par exemple utiliser des chaises pour faire des fentes dessus. On peut faire des squats, on peut utiliser des packs d’eau en guise de poids.
Tout ce qui est abdos et gainages, c’est facile à faire au sol : les pompes etc… Il y a énormément d’exercices qui nécessitent très très peu de matériels voir par du tout.
Enfin, votre prochain grand objectif ce sont les JO 2021 ?
Évidemment oui ! Après on ne sait pas encore comment va être le calendrier avec notre Fédération internationale… On attend là-dessus des nouvelles.
Mais évidemment oui, ce sont les Jeux 2021. Alors reportés d’un an, on va devoir cravacher un an de plus. Heureusement nous on avait notre qualification par équipe, donc ça, ça nous enlève un poids.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR.