Rencontre avec Margaux Rifkiss : « C’était un rêve qui se réalisait ! »

Médaillée d’or pour sa première participation à une épreuve de coupe du monde senior par équipe en 2017, Vice-Championne d’Europe U23 par équipe en Biélorussie la même année et médaillée d’argent aux Universiades de Napoli par équipe en 2019, l’escrimeuse française Margaux Rifkiss revient tout au long de cet entretien sur son parcours depuis qu’elle a débuté sa carrière. Et nous emmène à la découverte de sa spécialité, le sabre. Et tout ce qui peut jalonner son quotidien de sportive de haut niveau. Rencontre.

Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’escrime ?

J’ai commencé l’escrime à l’âge de dix ans, en faisant une initiation à l’école.

Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers ce sport ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?

Cette rencontre avec ce sport à été pour moi un pur hasard. Quand j’avais dix ans, en plus de l’école, ma maman m’avait inscrite à des cours d’anglais. Comme j’étais assez forte en anglais, on m’avait permis de suivre le cours avec les plus grands. Et j’avais une heure de pause entre deux cours d’anglais durant laquelle il y avait un cours d’escrime. C’est comme ça que j’ai connu ce sport.

Aujourd’hui vous vous entraînez au sein de l’INSEP.  Quel regard portez-vous sur cette structure assez impressionnante ?

C’est une immense fierté que de pouvoir s’entraîner à l’INSEP. C’est une magnifique structure, avec des locaux magnifiques et où toutes les conditions sont réunies pour s’entraîner de manière idéale. On est véritablement sur un petit nuage ici (Rires) !

Que vous apporte votre entraîneur actuel sur le plan personnel et sportif ?

L’entraîneur national, ce n’est pas celui qui nous forme. Il est là pour nous perfectionner. Ils sont plusieurs et sont au nombre de quatre au sabre pour nous. Ils ont pour objectif de nous perfectionner et de nous aider à progresser dans notre pratique.

A partir de quel moment avez-vous compris que vous aviez le niveau pour devenir professionnelle ?

Moi, j’ai vraiment été détectée quand j’ai commencé l’escrime à l’école. Et quand est venue la fin de l’année, l’entraîneur m’avait dit qu’il faudrait que ma maman vienne, qu’il aimerait bien la voir. Il lui a dit que j’avais quelque chose en plus que les autres et qu’il fallait que j’intègre un club d’escrime. Il était persuadé que je pouvais aller loin.

A ce moment-là, je ne savais pas du tout que j’allais faire plus tard des compétitions, et que j’allais pouvoir représenter la France, y compris à l’international ! C’est là que le rêve est un peu né.

Votre spécialité c’est le sabre. Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste cette discipline ?

Au sabre, l’objectif est de toucher l’adversaire sans être touchée. Nous, on peut toucher avec toute la lame, on appelle ça le tranchant. On a le droit de toucher de la tête jusqu’aux hanches.

Il s’agit de l’arme qui était pratiquée par les cavaliers qui ne pouvaient toucher que la partie du haut du corps pour ne pas blesser les chevaux.

Quels sont vos principales qualités en tant que sabreuse ?

Je suis extrêmement joueuse, explosive, et déterminée !

Quelles sont les principales difficultés que l’on peut rencontrer en compétition lorsqu’on pratique le sabre ?

Alors ce n’est pas que dans la pratique du sabre, mais une des principales difficultés que l’on peut rencontrer en compétition, je dirai que c’est le stress. Parce que même si on s’est très bien entraînée, même si on peut être meilleure que l’adversaire, si on se laisse submerger par le stress, des fois ça nous inhibe un petit peu et on n’arrive pas à produire ce pourquoi on s’entraîne tant. C’est vraiment une des difficultés qu’on apprend à surmonter.

En 2017, vous participez à votre première épreuve de coupe du monde senior par équipe à New-York. Alignée avec Sara Balzer, Manon Brunet et Cecilia Berder, vous allez toutes les quatre décrocher la médaille d’or. Tout d’abord quels souvenirs gardez-vous de ce moment et de votre parcours ?

C’est un magnifique souvenir forcément car les médailles par équipe sont toujours très fortes en émotions. Quel bonheur que de pouvoir gagner une Coupe du Monde entre guillemets chez les grands. On avait déjà fait des médailles avec d’autres équipes plus jeunes. Mais là c’était chez les grands ! Et un véritable honneur d’avoir intégré l’Equipe de France Senior pour la première fois. C’était un rêve qui se réalisait !

Comment gère-t-on la pression d’un tel événement lorsque l’on participe pour la première fois à une telle compétition ?

On apprend à gérer le stress en s’entraînant et en se mettant dans des situations qui ressemblent à celles en compétition afin de pouvoir appréhender au mieux les émotions.

On essaye de relativiser aussi beaucoup en se disant que même si l’on s’entraîne beaucoup, cela reste du sport. Il ne faut pas penser à l’enjeu en fait. Il faut vraiment penser à être dans le présent.

Aborder une compétition en équipe est-il différent que d’aborder une compétition en individuelle ? L’approche change-t-elle ?

Oui, totalement. Parce que d’un côté on se sent plus forte vu qu’on n’est pas seule sur la piste mais ensemble avec l’équipe et les entraîneurs.

Et d’un autre côté, on a aussi une plus grosse responsabilité. Quand on se prend une touche, on ne se la prend pas seulement pour nous. On se la prend pour l’équipe. Donc c’est quand même assez différent à appréhender.

Il y a énormément de tireuses qui vont être plus forte en individuelle. Ou d’autres qui seront plus fortes en équipe. Et puis celles qui seront bonnes dans les deux. Mais l’approche en elle-même reste très différente.

Comment fonctionne une étape de Coupe du Monde lorsqu’on évolue en équipe ?

Quand on participe à une étape de Coupe du Monde par équipe, il faut tout d’abord savoir qu’il y a un classement des équipes au préalable. C’est souvent un classement qui a été établi grâce aux anciennes compétitions. Donc si ton équipe est bien classée, elle va être dans le haut du tableau. Et si elle est moins bien classée, elle sera dans le bas. La meilleure la meilleure équipe rencontrera donc la moins bonne des équipes.

Donc plus la compétition avance et plus les matchs sont difficiles (Rires).

Quel lien gardez-vous toutes les quatre ?

On a toutes de très bons liens. D’autant plus que ce groupe de filles, et pas seulement ces quatre filles, mais le groupe avec lequel je m’entraîne à l’INSEP, les onze filles, on est vraiment très proches. On s’entraîne ensemble. Et on va chercher ensemble une qualification olympique.

Toujours en 2017, vous allez apprendre que vous être sélectionnée pour les Championnats d’Europe U23 en Biélorussie. Comment êtes-vous allez chercher cette sélection ?

Je suis allée chercher cette sélection tout simplement par rapport à mon classement national. A cet époque-là dans les moins de 23 ans, j’étais dans les deux premières françaises. C’est comme cela que les entraîneurs ont décidé de me sélectionner.

Sur le bilan individuel, vous allez atteindre le TOP 8. Mais vous allez décrocher la médaille d’argent et devenir ainsi Vice-Championne d’Europe U23 par équipe. Que retenez-vous de cette nouvelle expérience ?

C’est vraiment génial quand on part dans une compétition comme celle-là, qui est un championnat. Même si j’étais très déçue de ne pas avoir eu de médailles en individuelles, et de m’arrêter en quart de finale, je savais que derrière il y aurait la compétition par équipe. Et qu’avec mes coéquipières, on pourrait entre guillemet prendre notre revanche. Et c’est ce qu’on a fait !

Donc encore une fois, c’était un bilan mitigé parce que forcément on part sur la médaille d’or et on a fini deuxième. Mais ça reste une belle journée avec une médaille autour du cou à la fin pour la France.

Vous allez également cette année-là passer un moment avec la légion étrangère. Tout d’abord, que vous inspire ces hommes ?

C’est très rigolo que vous me posiez la question. J’ai passé un moment avec la légion étrangère dans le cadre de mes études parce que je passais un diplôme de coach sportif. Et à cette occasion j’ai pu entraîner des hommes de la légion étrangère. C’était une grande fierté pour moi parce que ce sont des hommes qui sont très forts. Et même si c’est différent de nous, ce sont de vrais sportifs de haut niveau. Avec une condition physique exemplaire. Ce sont des hommes qui vont chercher le dépassement de soi. Ils représentent la France comme nous d’une autre manière. Ils défendent nos couleurs.

C’était vraiment des moments de partage dont je ressors grandie. Je pense que cela a été bénéfique pour eux comme pour moi. C’était vraiment génial.  Et puis c’était aussi une fierté parce que j’étais en formation, donc assez jeune. Et j’étais une fille. Et être confrontée à un public de grands gaillards, costauds, c’était assez rigolo parce que je me demandais si j’allais être légitime et si j’allais pouvoir apporter quelque chose. La réponse est oui. C’est très formateur.

Intégrer l’Armée des champions, c’est quelque chose qui est dans un coin de votre tête ?

Oui, bien-sûr c’est quelque chose qui est vraiment dans ma tête.. De nombreux athlètes français aimeraient beaucoup intégrer l’Armée des champions. Mais pour l’instant les places sont très très restreintes. Mais j’ai déjà participé à des championnats militaires. J’ai un titre de Championne du Monde militaire par équipe avec Manon Brunet, Caroline Queroli et Charleine Taillandier.

Autre compétition qui a une place à part dans votre carrière ce sont les Universiades. Votre première participation est en 2017, aux Universiades de Taipei. Tout d’abord, comment définiriez-vous les Universiades ? Quelle est la différence avec les autres grandes compétitions ?

Alors ces championnats sont très particuliers parce que la catégorie d’âge est vraiment plus large. Comme ce sont des personnes qui sont en université, les participants sont souvent majeurs. C’est une compétition qui est assez festive.

Nous, on est habitués à nos championnats d’Europe et du monde et à se retrouver entre escrimeurs. Alors que lors de cette compétition, il y a beaucoup de sports qui sont représentés. Et l’Équipe de France est d’autant plus grande, qu’elle l’est dans plusieurs sports !  

Là-bas, c’est l’occasion pour vous de participer à votre première cérémonie d’ouverture. Quelles images en gardez-vous ?

C’est une image très rigolote ! Il s’agit du moment où nous sommes descendus des bus pour passer dans le stade lors de la cérémonie d’ouverture. Il y avait énormément de monde qui nous attendait dehors qui voulaient voir les athlètes qui allaient participer à l’évènement. Et c’était très rigolo parce qu’il y avait une grande rangée avec des personnes qui avait amené leur chien et c’était des chiens déguisés ! Ils avaient pleins de vêtements, c’était vraiment rigolo à voir (Rires) !

Sur le plan sportif, quel bilan en faites-vous ?

A Taipei, une fois de plus, je perds en quart de finale. C’était assez frustrant. Mais le point positif c’est que lors de ces Universiades, il n’y a eu qu’une seule médaille en escrime. Et c’est celle qu’on a ramenée nous par équipe les sabreuses ! Cette médaille a été très difficile à décrocher. C’était une grande fierté pour nous toutes de pouvoir déclencher le compteur des médailles. Même si ce n’est qu’une médaille de bronze. C’est une médaille qu’on est allés chercher toutes ensemble avec beaucoup de rage. Beaucoup d’envie. Ce sont des bons souvenirs.

A quels autres Universiades avez-vous pu participer depuis ?

Il y a eu Napoli en 2019 où l’on a remporté la médaille d’argent par équipe. Et pour la petite anecdote, comme on n’avait que trois tireuses dans chacune des armes, j’ai aussi participé à la compétition au fleuret dames où l’on remporte la médaille de bronze alors que je n’ai tiré avec elle que pendant l’échauffement !

Vous avez validé le CPME qui est un diplôme de l’INSEP. En quoi cela consiste-t-il ?

Le CPME signifie Certificat Préparatoire aux Métiers de l’Entraînement et du sport. C’est un diplôme qui se rapproche beaucoup de celui de préparateur physique. C’est un diplôme qui prépare également au métier d’entraîneur.

Vous êtes également maître d’armes. Il y avait chez vous aussi une véritable envie de transmettre vos compétences et votre expérience aux plus jeunes ?

Oh oui, c’est une réelle envie chez moi que de pouvoir transmettre mon savoir ! Je me suis dit que l’escrime m’avait énormément apporté. Et qu’avec toutes les heures que je passe à l’entraînement et en compétition, je pense avoir acquis un gros bagage technique et d’expérience que j’ai envie de partager et de transmettre aux plus jeunes.

Aujourd’hui, le Covid-19 frappe de plein fouet le monde entier. Comment cela influe sur vos entraînements d’abord ? Qu’est-ce qui a changé par rapport à avant ?

Alors ce qui a changé par rapport à avant, premièrement ce sont les gestes barrières, forcément. La chance que l’on a en escrime, c’est que l’on est pas un sport de contact physique. C’est déjà ça. Avant, quand on commençait et terminait un match, on avait l’habitude de se serrer la main avec l’adversaire. Ce n’est plus le cas maintenant. Parfois, on se faisait la bise, là aussi ce n’est plus le cas. Maintenant on se touche le sabre, qui a remplacé une vraie règle de respect et de politesse qui est quand même notable.

Au niveau des entraînements, on essaye de limiter au maximum les contacts physiques. On s’éloigne les uns des autres. Et dès qu’il y a une personne qui est cas contact ou qui pourrait potentiellement avoir la Covid, on est tous confinés chez nous pendant sept jours. On repasse tous ensuite les tests de Covid. Et si l’on est négatif, alors on peut réintégrer l’entraînement.

Ça perturbe énormément les entraînements. Ce n’est vraiment pas évident mais ce qu’il faut se dire, c’est qu’on a de la chance de pouvoir s’entraîner à l’INSEP alors que beaucoup de salles de sports ont fermé.

C’est une situation tout à fait inédite pour vous les athlètes. Y a-t-il une crainte de perdre en compétitivité après un long arrêt de la pratique de votre discipline ?

Alors oui, il y a une crainte. Pas en compétitivité mais peut-être plus une appréhension en se disant qu’on ne sera peut-être plus assez entraînée ou préparée à ce genre d’évènement qu’on n’aura pas pratiqué depuis longtemps. Je pense qu’il y aura plus cette peut-là et cette crainte de subir un plus gros stress que d’ordinaire. Mais les entraîneurs essayent de faire face à ça en organisant des compétitions internes à l’INSEP. En reproduisant des conditions proches de celles qu’on rencontre en compétitions. Ils essayent de nous mettre au maximum dans des conditions similaires.

Pour l’instant on fait comme ça parce qu’il n’y a pas d’autres solutions. Et dès que cela sera à nouveau possible, ils essayeront de rouvrir des compétitions nationales pour nous préparer au mieux.

Enfin, vos prochains grands objectifs ce sont les JO 2021 et 2024 ? Comment arrive-t-on à se préparer à une échéance aussi lointaine dans le contexte actuel ?

Oui, bien sûr (Rires) ! Alors si c’est 2021, ce n’est pas si lointain (Rires) ! C’est même assez proche. Les entraîneurs font le maximum pour qu’on soit au pic de notre forme en juillet 2021. Normalement les Jeux devraient avoir lieu, on a beaucoup d’espoir. De toute façon on se prépare pour ça. On devrait être fixés fin décembre, début janvier pour savoir si les Jeux sont officiellement maintenus. Et si ce n’était pas le cas, de toute façon, comme vous dîtes, les objectifs seront pour Paris 2024. Et on ne peut pas se permettre de s’arrêter de s’entraîner parce qu’on sait que de l’autre côté du globe, les autres athlètes ne s’arrêtent pas de s’entraîner.

On se bat tous les jours pour garder notre place et être le plus fort possible. Que ce soit pour 2021 ou 2024, la démarche d’entraînement reste la même. 

Propos recueillis par Alexandre HOMAR.

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