Photo en Une délivrée par l’athlète.
Médaillée d’argent aux Jeux Olympiques de Tokyo cet été avec sa coéquipière Laura Tarantola en deux de couple poids légers, Claire Bové nous emmène à la découverte de sa discipline : l’aviron. Tout du long de cet entretien, Claire Bové revient sur son parcours depuis qu’elle a débuté sa carrière. De sa première sélection avec l’Équipe de France à sa médaille d’argent aux JO de Tokyo cet été, Claire Bové nous raconte également le duo qu’elle forme avec Laura Tarantola et ce qui fait aujourd’hui qu’elles sont si complémentaires. Une interview où la jeune médaillée olympique nous explique aussi tous les sacrifices que représente cette médaille olympique. Un sacre construit avec beaucoup de sueurs et de larmes. Rencontre.
Tout d’abord, à quel âge avez-vous commencé l’aviron ?
J’ai commencé l’aviron à l’âge de 14 ans.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette discipline ?
Mes deux parents en faisaient. Mon frère en faisait. Et par un simple esprit de contradiction, j’avais dit que je ne ferai jamais d’aviron. Et puis finalement il y avait une section sportive dans mon collège. Et j’avais promis à ma meilleure amie que j’en ferai avec elle si elle pratiquait le triathlon avec moi. C’est donc vraiment comme ça que j’ai commencé l’aviron. Ça m’a bien plu.
L’ambiance au club a beaucoup compté, ça se passait super bien, c’était une grande famille, très conviviale. Et c’était un bon moyen de retrouver les copines et les copains le week-end.
Et après j’ai commencé à performer en compétition.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’aviron, pouvez-vous nous présenter votre discipline ?
L’aviron est un sport nautique qui se pratique sur un bateau. On peut être tout seul, à deux, à quatre ou à huit. Soit on a deux pelles, une dans chaque main. Soit on n’en a qu’une seule. Quand on en a deux, ça s’appelle le couple. Et lorsqu’on n’en a qu’une seule ça s’appelle la pointe. Donc soit on rame en couple ou en pointe. Moi, je suis plus en couple.
Les compétitions en senior, c’est sur deux kilomètres. Et le but est de faire ces deux kilomètres le plus rapidement possible. Dans une course on est alignés à six. La finale se déroule à six.
C’est un sport de glisse super sympa à pratiquer. C’est un sport où il faut être ensemble avec ses coéquipiers. C’est un sport qui demande beaucoup d’entraînements pour être en forme. Il y a beaucoup de cohésion.
Et en même temps, c’est un sport un peu de « fainéants ». C’est un peu contradictoire parce qu’on a deux temps de glisse. Donc c’est un peu un temps de repos pour un temps de poussé dans l’eau. Donc il faut apprendre à être patient, à être fainéant, à se servir de la glisse, d’être le plus technique possible pour glisser le plus loin possible et se fatiguer le moins possible.
L’esprit de compétition a-t-il toujours été en vous, où vous l’a-t-on inculqué plus tard ?
J’ai toujours eu l’esprit de compétition. Je pense que le fait d’avoir un grand frère aussi joue beaucoup. Il faut se faire un peu sa place et se faire un peu respecter. Je n’ai jamais aimé être derrière. Mais en même temps, je me souviens qu’en minime, en solo, qu’on appelle le Skifs, j’étais derrière et le coach m’a hurlé dessus en me disant que je ne pouvais pas rester comme ça. Tu ne peux pas accepter de te laisser passer devant. Et même à l’entraînement il faut toujours être devant. Donc à partir de ce moment-là, vraiment j’ai eu un esprit de compétition.
A partir de quel moment avez-vous compris que vous allez pouvoir atteindre le haut niveau ?
J’ai marché dans les traces de mon grand-frère. Lui est parti sur le pôle d’entraînement à Fontainebleau en Junior. Et j’étais bien contente d’être toute seule à la maison et d’avoir mes parents pour moi. Mais quand je suis passée Junior, je me suis dit que j’aimerai bien faire du sport de haut niveau. Et j’ai été acceptée au Pôle. Je me suis dit que j’avais peut-être le niveau pour faire de la compétition. Et de rentrer en Equipe de France. Je me suis entraînée pour ça. A la fin de ma première année Junior on était sélectionnés en Equipe de France. J’ai fait du quatre de couple aux Championnats d’Europe et aux Championnats du Monde. On a fait une quatrième place. En Junior 2 j’ai encore été sélectionnée en Equipe de France. Puis après je suis partie sur Lyon en Pôle France. Et depuis, je ne suis pas sortie de l’Equipe de France (Rires).
C’est vraiment depuis 2015 où j’ai commencé à faire du haut niveau. Et à comprendre que vraiment ça pouvait marcher et que je pouvais aller loin si je m’entraînais assez.
En quelle année avez-vous connu votre première sélection avec l’Équipe de France ?
C’était vraiment génial, ma toute toute toute première sélection, j’étais Cadette. On est en 2014, juste l’année d’avant où je rentre au Pôle d’entraînement. Et c’était pour le match contre la Grande-Bretagne. Aux championnats de France on sélectionne les premiers de chaque bateau. Ça marche par club en fait. Donc le bateau champion de France on lui propose de venir au match France – Grande-Bretagne. Et ce sont des duels les homologues anglais. Ça, c’était ma première sélection. C’était un peu un coup de chance parce que je n’étais pas première. Mais la première avait été sélectionnée en Équipe de France pour aller faire les Championnat du Monde. Donc il restait une place qu’ils m’ont proposée. Et ça s’est super bien passé. J’étais très fière !
Cet été, vous participiez aux Jeux Olympiques dans la catégorie deux de couple poids légers avec votre binôme Laura Tarantola. Et vous remporterez toutes les deux la médaille d’argent. C’était vos premiers JO. Tout d’abord, comment avez-vous vécu vos premiers Jeux Olympiques intérieurement ?
J’ai vécu ça comme une compétition normale. En fait on s’est vraiment bien préparé, on a eu de l’accompagnement en préparation mental. En fait on a énormément banalisé l’évènement. C’est-à-dire qu’on s’est dit que ce n’est que deux kilomètres, ce n’est qu’une compétition, les filles on les connaît, on court toujours contre elle. Et le fait qu’il n’y ait pas de public, qu’il n’y ait pas de personnes extérieures. Ça nous donnait l’impression d’être sur une compétition normale.
Sauf quand on rentrait au village olympique. Là, bien-sûr, il y avait toutes les nations, tous les ports différents. On voyait là que c’était quand même quelque chose de plus grand que juste un championnat d’Europe ou un championnat du monde.
On a vraiment énormément banalisé l’évènement avec Laura. Mais quand on a remporté la médaille olympique, on n’y croyait pas trop au début. On a beaucoup de mal à réaliser après parce qu’on banalise tellement l’évènement qu’une fois c’est fait, on a vraiment du mal à réaliser ce que l’on a fait (Rires).

Photo délivrée par l’athlète.
Justement, que représente pour vous cette médaille olympique ? A réaliser, à se dire « je l’ai fait, c’est bien moi », ne doit pas être évident…
Non, et je ne réalise toujours pas aujourd’hui que je suis médaillée olympique (Rires) !
Médaillée olympique, à chaque fois que j’y pense, j’ai le sourire jusqu’aux oreilles. Et en même temps je me dis que c’est quand même une médaille olympique ! Quand je vois les garçons qui ont fait médaille d’or à l’aviron, qui sont passés la journée avant nous, c’était le jour de notre demi-finale, eux deviennent champion olympique. Et je pense que j’étais plus contente pour eux que lorsque nous on a fait la médaille ! Je me dis que c’est magique, qu’ils sont trop forts. Et en y repensant je me dis que nous aussi on a remporté une médaille olympique. J’ai vraiment du mal à réaliser.
Comment avez-vous construit ce sacre ?
Avec beaucoup de sueurs et de larmes. C’est super dur. On s’entraîne entre vingt et vingt-deux heures par semaine. Moi, je dois mener mes études à côté. On doit aussi faire tout ce qui est récupération, préparation mentale. Ce qui nous laisse peu de place pour la vie sociale et pour souffler un coup et profiter de la vie. Ça représente beaucoup de sacrifices qu’on a fait à côté.
Mais en même temps, aller à l’entraînement le matin c’est quand même quelque chose de particulier, tout le monde n’a pas cette chance d’aller faire du sport le matin. Ou même le matin et l’après-midi. Donc on se dit que c’est quand même une opportunité de pouvoir faire ça. Malgré tous les sacrifices, les longues heures d’entraînement… Et l’hiver, quand il fait nuit, avec une température de zéro degré, et qu’il pleut et qu’il faut quand même aller sur l’eau, et qu’on n’a pas envie, on y va quand même.
C’est grâce à tout ça, toutes ces heures difficiles, qu’on a réussi à réaliser cette médaille.
Revenir en France avec une médaille olympique était votre objectif ?
C’était un beau rêve (Rires) !
Franchement, on en a rêvé longtemps. A chaque compétition on se disait que c’était possible. Les filles devant nous ne sont pas si loin. Notre première médaille internationale avec Laura on l’a eu en 2019, l’année de la qualification olympique. C’était sur le championnat d’Europe. Sachant qu’on rame ensemble depuis 2017 avec Laura.
Après il n’y a pas eu vraiment d’autres compétition jusqu’en 2021. Et à chaque fois, on était vraiment à deux secondes du podium. On faisait quatrième ou cinquième à une seconde et demi ou deux secondes du podium.
C’est ce qui nous a fait dire que c’était possible et qu’on avait les moyens d’aller chercher cette médaille olympique. Et quand on a eu la médaille olympique on s’est dit : « Ah mais on l’a vraiment fait ! »
Mais on ne réalise pas.
Comment décrieriez-vous votre duo avec Laura Tarantola ? Vous êtes complémentaires ?
On est complémentaires et en même temps, on se ressemble assez. On est complémentaires au niveau du caractère. On a chacune notre façon de penser. Mais ça va bien ensemble. Si moi je ne trouve pas la solution sur quelque chose, si j’ai un problème, j’en parle à Laura. Et comme elle a un œil différent dessus, une façon de penser complétement différente, elle ça va lui paraître une solution facile. Dans sa tête ça va être très limpide. Alors que moi ça va être un casse-tête impossible de résoudre.
En bateau on est assez complémentaires, on rame différemment mais on rame pareil. On a un rythme sensiblement pareil. Ce qui fait qu’on rame bien ensemble, on se trouve très très vite. C’est quelque chose de génial.

Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer en compétition dans cette spécialité de deux de couple ?
Les concurrentes (Rires) ! Elles sont vraiment toutes très très fortes. En deux de couple poids léger on a cette catégorie du poids. On est toute à 57 kilos. On a toujours le régime à mener de front par rapport à la compétition. Parce que si l’on n’est pas au poids, on ne fait pas la course. C’est déjà une course dans la course de passer la pesée le matin.
Et pour revenir sur les concurrentes, elles sont toutes très fortes. Et comme c’est le seul bateau olympique en poids léger, ce sont vraiment les meilleures de chaque nation à chaque fois. Ça rend les courses très très serrées. Aux Jeux on finit à quatorze centièmes de la médaille d’Or. Mais d’un autre côté on est à trente centièmes de ne rien avoir du tout. C’est très très serré tout le temps, tout le temps, tout le temps. On n’a pas le droit à l’erreur. La moindre erreur technique on peut vite passer derrière.
Formée à l’Aviron de Meulan Les Mureaux Hardricourt, vous êtes aujourd’hui licenciée à l’Association sportive mantaise, le club de Mantes la Jolie. Quel regard portez-vous sur ce club ?
J’ai toujours connu le club de Mantes parce que mes parents étaient là-bas. Je suis allé à Mantes parce que papa est reparti entraîner là-bas. En faisant du haut niveau, j’avais besoin de matériels performants, de coachs etc… Et d’un point de vue logistique, de ne pas perdre du temps dans les transports. J’ai trouvé là-bas des infrastructures géniales. Les jeunes là-bas sont hypers accueillants.
Et pour parler de Meulan, j’y suis resté pendant neuf ans. J’ai commencé là-bas avec ma meilleure amie qui est toujours là-bas. C’était quand même un crève-cœur de les quitter. J’ai toujours d’excellentes relations avec eux et on se revoit en dehors de l’aviron.
Que vous apporte votre entraîneur sur le plan sportif et personnel ?
Mon entraîneur de club c’est mon papa (Rires). D’un point de vue sportif, il est très très pertinent. Il va toujours chercher les détails qui vont faire la différence comme la position des doigts sur le poignet de la pelle.
Il ne lâche rien, il va toujours aller chercher, toujours aller creuser plus profond pour avancer le plus vite possible.
D’un point de vue personnel, j’ai réussi à faire la différence entre le père et le coach.
Après en Equipe de France, ce n’est pas le même coach. C’est Frédéric Perrier qui nous entraîne. Avec Laura. Il est très cool, il nous donne énormément de conseils et il sait toujours trouver les bonnes solutions au bon moment. Et quand on ne sait pas, demande à Fred, et Fred nous donne une solution (Rires).
Disputer les Jeux Olympiques en 2024 à Paris est votre prochain grand objectif ?
C’est en effet le prochain. Je ne veux pas trop m’avancer sur le sujet, on va y aller étape par étape. La première étape c’est savourer cette médaille parce que ça n’arrive pas tous les jours et on ne sait pas de quoi sera fait demain. Ce n’est pas parce qu’on est médaillée une fois qu’on le sera aussi la prochaine fois. Et puis il y a aussi les qualifications à passer. La qualification, c’est toujours quelque chose de très très dur. Et puis une fois que l’on est qualifiée, il ne faut pas se blesser non plus, il faut être performant, il faut être au poids. Il y a énormément de facteurs aléatoires.
Donc on va dire que c’est un nouveau beau rêve, qu’on va le rêver jusqu’au bout, et que peut-être que l’on sera récompensées de tous nos efforts en 2024.
Propos recueillis par Alexandre HOMAR