Rencontre avec Aliya Luty : « J’ai à cœur de développer l’escrime, et plus particulièrement l’épée, au sein des quartiers populaires. »

Aliya Luty fait partie des meilleures escrimeuses mondiales. Celle qui suit des études d’infirmière porte un regard touchant sur son parcours et ce qui lui a permis d’arriver là où elle en est aujourd’hui. Pour elle, tout cela ne serait jamais arrivé si elle n’avait pas grandi au sein d’une cité. Aliya Luty a quitté son quartier à l’âge de quinze ans pour le haut niveau et découvrir un monde qui lui semblait difficilement accessible. Aliya Luty n’a jamais oublié d’où elle venait. C’est ainsi qu’elle a décidé de se lancer récemment dans un tout nouveau projet : « Citéscrime ». Sa mission ? Pouvoir rendre accessible l’escrime dans les quartiers populaires. Et d’aller chercher les champions de demain. Touchante, ambitieuse et déterminée, Aliya Luty, qui a les Jeux Olympiques de Paris en 2024 dans son viseur, nous partage son projet. 

Vous avez créé récemment « Citéscrime ». Avec pour mission de rendre accessible l’escrime dans les quartiers populaires. Tout d’abord, comment vous est venue l’idée de ce projet ?

J’ai toujours voulu être engagée. Au départ, je réfléchissais à un engagement ciblé sur les soins et le médical car je réalise actuellement des études d’infirmière. Je n’ai pas encore mon diplôme, j’accorde beaucoup de temps à mes révisions, donc c’était un engagement difficile pour le moment.

Et ce qu’il faut savoir, c’est que l’année prochaine, en 2023, je vais faire un an et demi de césure dans mes études afin de me concentrer pleinement jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris.

Comme je ne souhaite pas ne rien faire à côté, je voulais lancer un projet. C’est comme ça que m’est venue l’idée. Je me suis posée et j’ai réfléchi sur quoi je pouvais me lancer.

Je voulais quelque chose qui n’existait pas encore, quelque chose qui m’appartient et qui retrace également mon histoire. C’est comme ça que « Citéscrime » est né. 

Avec « Citéscrime », vous proposez plusieurs solutions. Des interventions découvertes, des initiations à l’escrime, une prestation de haut niveau et des rencontres de haut niveau.  

C’est exactement ça. Je vais surtout viser une tranche d’âge en particulier, celle entre sept et douze ans.

Ça sera vraiment axé sur les enfants en particulier. Parce que c’est à cet âge-là qu’il se passe beaucoup de chose. C’est à cet âge-là qu’on souhaite faire du sport, qu’on souhaite commencer à pratiquer un sport.

Et puis je souhaite aller chercher les champions de demain également. Et c’est à cet âge-là que ça commence. 

C’était important pour vous cette notion de transmission, de montrer qu’il n’y a pas qu’un chemin unique pour arriver au sommet ? Et que peu importe d’où l’on vienne, tout est possible…

Bien sûr ! Tout est possible ! Pour prendre un exemple concret, à L’INSEP, le plus grand centre de sports en France, nous sommes à l’escrime 5 athlètes de haut niveau à venir de cités. Donc oui, c’est possible ! 

Mais pour que cela puisse être possible, il faut que les personnes venant des quartiers populaires aient accès à ce sport. C’est pour ça que j’ai à cœur de développer l’escrime, et plus particulièrement l’épée, au sein des quartiers populaires. 

En quoi le fait que vous ayez grandi au sein d’une cité a fait de vous l’escrimeuse que vous êtes devenue ? 

Je suis partie de ma cité, à Grenoble, lorsque j’avais quinze ans. J’ai beaucoup appris, j’ai appris à être autonome, j’ai appris à être ambitieuse. Si je n’avais pas habité dans une cité, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui. 

Vous avez quitté à l’âge de 15 ans votre quartier pour découvrir le haut niveau. Un monde qui vous était « normalement » difficile d’atteindre. Qu’est-ce qui vous a poussé à dépasser et franchir toutes les barrières qui pouvaient se dresser devant vous ?

Grâce à l’aide de mes parents. Ce sont eux qui m’ont permis de maintenir cette activité. 

Parce qu’à l’âge de sept ans, on ne sait pas encore ce que l’on veut, on n’est pas encore assez autonome (Rires). 

J’ai découvert l’escrime au quartier de la Villeneuve. C’est grâce à une organisation de la ville de Grenoble, « la Caravane du sport », que j’ai pu découvrir ce sport. Ce sont des activités sportives qui se déplacent dans les quartiers, pour permettre aux jeunes d’essayer les différents sports présentés.

Avec mon projet « Citéscrime », je suis un peu dans la même optique, mais plus centré sur l’escrime. Parce que la plupart du temps, les salles d’escrime sont excentrées des quartiers à la différence d’autres sports.

Qu’est-ce que l’escrime peut apporter à ces jeunes dans leur vie, dans leur quotidien ? De la confiance en soi j’imagine… 

Chaque sport apporte énormément de valeurs. Pour chaque personne, le sport peut lui apporter quelque chose. Chacun s’approprie ça différemment. 

Je sais que moi ça m’a appris beaucoup de choses, parce que je suis parti très tôt de chez moi…

Le sport contient beaucoup de valeurs. Et à l’escrime on retrouve notamment beaucoup de respect. 

Aujourd’hui, à l’INSEP, 7% des athlètes de haut niveau qui s’y entraînent sont issus des cités. Comment interprétez-vous ce chiffre ? Avec « Citéscrime », le but est de faire évoluer ce chiffre dans le bon sens ? 

Déjà, cinq personnes, cela veut dire que c’est possible, que je ne suis pas la seule. Chaque personne a son histoire. Si on emmène l’escrime accessible dans les quartiers, cela va donner envie à ces jeunes de briller. 

En montrant que l’on est 7% à l’INSEP à en être là, mon but est aussi de donner espoir à ces jeunes.  

Enfin, quel est votre objectif à court, moyen et long terme avec votre projet ?

Alors à court terme, c’est de pouvoir faire ma première intervention à Grenoble car c’est là que tout a commencé. 

A moyen terme, ça serait de pouvoir intervenir dans le plus possible de classes populaires en France. 

Et à long terme, bien-sûr, c’est d’augmenter ce pourcentage de sportifs de haut niveau venant des cités. 

Propos recueillis par Alexandre HOMAR

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